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Notre smartphone, fidèle compagnon du quotidien, ne nous quitte plus, même au bureau. Mais suffit-il vraiment de le laisser dans un coin pour regagner en concentration et en efficacité ? Une récente étude anglaise, parue dans la revue Frontiers in Computer Science, remet en question cette croyance répandue. Elle affirme qu’éloigner son téléphone ne suffit pas toujours à rester pleinement attentif.
Le smartphone est devenu un véritable doudou numérique, toujours à portée de main. Au bureau, c'est généralement le premier objet que l'on dépose sur son espace de travail. Pour beaucoup, il ne s'agit pas simplement d'un téléphone, mais plutôt d'un ordinateur de poche offrant des possibilités immenses. C’est ce potentiel fascinant qui nous pousse à le consulter presque toutes les cinq minutes, souvent guidés par l'habitude ou les notifications incessantes. Cependant, ces interactions répétées perturbent notre concentration et freinent notre productivité.
Alors, garder son smartphone à distance serait-il vraiment efficace pour mieux se concentrer au bureau ? C’est ce qu’a voulu vérifier Maxi Heitmayer, chercheur à la London School of Economics. Pendant deux jours, il a mené une expérience dans un environnement professionnel contrôlé auprès de 22 volontaires. Résultat ? Même placé à 1,5 mètre d'eux, le téléphone ne rendait pas les participants plus concentrés ni productifs. Privés de leur précieux smartphone, ces derniers transféraient tout simplement leurs distractions sur leur ordinateur portable, maintenant un niveau d’interruptions similaire.
Ce paradoxe réside dans la manière dont notre smartphone est devenu, pour beaucoup d'entre nous, une véritable extension de nous-mêmes. Le téléphone lui-même n'est pas à blâmer. "C'est notre usage, et surtout les applications qui créent et renforcent ces habitudes, qui posent problème", explique Maxi Heitmayer dans un communiqué.
Reprendre le contrôle de son attention
À tel point que se retrouver soudainement privé de son smartphone peut générer une véritable anxiété, une sensation d'abandon profond. La nomophobie, ou la peur de se séparer de son téléphone portable, est aujourd'hui une réalité tangible pour certains utilisateurs, au point que de véritables centres de désintoxication ont ouvert leurs portes, notamment en Chine et au Japon.
Comment avons-nous pu laisser nos smartphones prendre autant de place dans notre vie ? Tout simplement parce qu'ils nous facilitent la vie à chaque instant.
Véritable couteau suisse numérique, notre téléphone rassemble tout ce dont nous avons besoin— et même davantage. Il nous connecte à nos proches, nous guide avec son GPS, nous réveille le matin, diffuse nos musiques préférées et nous divertit en permanence. Impossible de s’ennuyer avec ce compagnon de poche toujours prêt à combler le moindre temps mort. "Dès qu’ils ont un moment de libre, les gens consultent immédiatement leur téléphone", remarque Maxi Heitmayer. À l’inverse, l’ordinateur, moins intuitif et pratique, attire beaucoup moins naturellement.
Des solutions pour reprendre le contrôle
Pour réellement reprendre le contrôle face à ces petits appareils omniprésents, le spécialiste propose une solution bien plus efficace que de simplement ranger notre téléphone loin de nous. Il recommande plutôt de revoir entièrement notre manière de gérer les notifications. Programmer des moments précis dans la journée pour consulter ces alertes ou encore les désactiver temporairement permettrait ainsi de reconquérir progressivement notre attention. Un défi ambitieux mais essentiel.
Car derrière cette difficulté grandissante à résister aux distractions se cache une vérité inquiétante. Les applications les plus captivantes sont spécialement pensées pour monopoliser notre temps, au profit des grandes entreprises technologiques. Maxi Heitmayer plaide donc pour une prise de conscience collective et appelle à renforcer la protection des utilisateurs, notamment des jeunes générations, face à ces stratégies marketing particulièrement redoutables.
Le véritable enjeu n'est donc pas tant d'éloigner notre smartphone que de réapprendre à gérer efficacement notre attention face à un outil conçu pour la capturer. Au travail comme ailleurs, reprendre le contrôle des notifications et des sollicitations numériques devient une compétence essentielle, au même titre que la maîtrise de l'intelligence artificielle ou la gestion du temps. Et si, finalement, savoir résister à l'attraction permanente de nos smartphones était le talent-clé du professionnel de demain ?