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Se priver de sucre pendant un mois, est-ce une bonne idée ? Peut-on vraiment parler de mois sans "sucre" ? Une spécialiste nous livre sa conclusion (sans pitié) sur cette expérience.
Pourquoi se priver de chocolats, de glaces, des délicieux croissants de ma boulangerie, ou de ce tiramisu bien crémeux ? Pourquoi refuser jusqu'à ce petit beurre, un biscuit que je trouvais ennuyant comme la mort et que je renifle désormais goulûment ?
Je ne suis pas en surpoids, je n'ai pas de diabète, mes dents vont bien, je mange de tout et généralement j'évite la malbouffe... Donc à priori, mon régime sans sucre n'était pas nécessaire.
Mais comme le disait ma grand-mère, je suis un "bec sucré". J'en grignote du matin au soir. Au petit déjeuner, forcément sucré, avec des tartines de confiture, des croissants... À midi, mon repas se conclue par un dessert et des "douceurs". Et le soir, je savoure tout autant des chocolats et gâteaux. Sans oublier les pauses sucrées pour se donner "un coup de boost" dans la journée.
Bref, ma consommation de sucre doit quand même finir par peser son poids. D'où ce petit défi d'un mois sans sucre. À l'arrache, sans préparation particulière, sans me soucier des "challenges" et "conseils de pro" qui prolifèrent sur les réseaux. Juste pour explorer par moi-même les effets de cette cure.
Le défi du petit-déjeuner

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Ma cure a donc duré un mois tout pile, entre mai et juin. Mes règles étaient simples : aucune sucrerie (industrielle ou autre), aucune alternative (miel, sirop d'agave, etc.). Exceptions: les sucres naturellement présents dans les fruits et légumes frais, les produits laitiers, les céréales, etc. Car mon but n'est pas non plus d'avoir des carences ou de ne manger que du gazon. Je voulais juste bannir les sucres ajoutés et autres sucres "superficiels" que je pense consommer en excès.
La frustration débarque dès les premiers jours. Mes placards sont toujours remplis de chocolats, de desserts, de gâteaux... La chaleur estivale me donne envie de ravager le pot de glace dans le congélo. Je verrouille mes yeux et mon estomac à ces pensées.
Le petit déjeuner est plus une difficulté logistique que culinaire. Le petit-déj sucré, c'est rapide et facile: les produits sont généralement près à consommer (viennoiseries, gâteaux, etc.). Prendre un petit-déjeuner salé, au contraire, cela signifie souvent cuisiner: un english breakfast quand on est motivé, sinon des tartines, omelettes, sandwichs ou des conserves quand on est plus pressé. Premier bénéfice: ça cale davantage que le sucré. Mais ça coûte plus cher.
Au repas de midi, le changement est plus facile, il me suffit de compenser l'absence de dessert par du rab à l'entrée et au plat de résistance. Et puis il me reste toujours la possibilité de manger un fruit, dont le goût sucré me saute aux papilles. J'ai soif de sucre !
Le soir, c'est le plus dur psychologiquement, car j'adore manger quelques bons chocolats (noirs!), du miel, un dessert, pour me "récompenser" après une journée de boulot. Heureusement, je ne suis pas allé au restaurant durant ce mois sans sucre, car je redoutais plus que tout de passer à côté d'un dessert exceptionnel.
Une incroyable révolution en un mois ? Nop.

Alors, un mois sans sucre, ça fait quoi ? Si vous vous attendez à vivre une révolution avec ce régime sans sucre, vous risquez d'être déçu: à moins d'être très addict au sucre, un mois ne semble pas être une durée suffisante pour vous métamorphoser.
Personnellement, l'expérience a été surtout psychologique: j'ai maîtrisé cette pulsion du sucre, dompté ce réflexe d'en grignoter toute la journée. Rien que pour cela, l'expérience valait le coup. Cela dit, j'ai bien compris que le sucre n'avait pas disparu de mon alimentation, simplement les sucreries industrielles, car je continuais à en manger sous ses autres formes (dans les pâtes, les fruits et légumes, etc.).
En revanche, on ne va pas se mentir, ça pèse quand même sur le moral. Au début, on m'a fait remarqué que j'étais parfois plus irritable. Mais au bout d'un moment, mon humeur s'est normalisée...
Un changement notable est l'impression d'avoir davantage faim. Avant, le sucre m'aidait à me couper cette faim, comme s'il représentait le point final de mon repas. Mais sans sucre, le sentiment de satiété tarde à se manifester. Je me demande si ce n'est pas culturel: un repas, dans nos régions, c'est entrée, plat, dessert. En bannissant cette conclusion sucrée, je dois autant déconditionner mon estomac que mon esprit.
J'ai aussi remarqué une amélioration de ma peau, je suppose que le régime sans chocolat y est pour quelque chose. J'ai remarqué également que si mes dents sont saines, j'ai parfois des inflammations des gencives, des irritations, qui ne sont pas apparues durant ce mois sans sucre. Coïncidence ou pas, difficile à affirmer. Enfin, au niveau de mon énergie globale, de ma vitalité, c'est tout aussi difficile à mesurer sur un temps aussi "court", je n'ai pas ressenti d'évolution spectaculaire.
L'avis (sans pitié) d'une spécialiste: "Ça ne sert pas à grand chose"

Histoire d'avoir un avis plus pointu sur ce "mois sans sucre", nous avons contacté le Dr Catherine Atlan, spécialiste en nutrition, endocrinologie et diabétologie au CHL. D'emblée, elle nous recadre : "Le sucre, c'est le gasoil de notre corps. On ne sait pas fonctionner sans." Il est donc plus juste de parler de mois sans "sucreries" qui, elles, sont optionnelles.
"Est-ce que le glucose est notre ennemi ? Non. Est-ce que la quantité de glucose excessive apportée par notre alimentation est notre ennemi ? Oui" nuance-t-elle. "Il y a la question d’une addiction au sucre, que vous avez sûrement voulu tester. Je ne suis pas addictologue, mais sur un régime d’un mois, vous n’allez certainement pas pouvoir lutter contre une telle addiction. Vous allez réussir à percevoir le manque, mais le côté "moins j’en mange, mieux je me porte", là, vous n’arriverez pas à vous en rendre compte." On lui demande si une prise de sang avant-après aurait indiqué des changements notables, et là encore, elle en doute: dans mon cas et d'un point de vue métabolique, un mois sans sucre, "ça ne sert pas à grand chose". Cela étant, je reste convaincu qu'une réduction de ma consommation de sucreries ne peut me faire que du bien, surtout si elle se poursuit sur le long terme.
Quant aux risques à réaliser ce genre de cure, elle n'en voit pas, "sauf maladies très rares". "Le seul risque que vous prenez, c’est de perdre quelques grammes, ou kilos, selon votre consommation habituelle de sucre. C’est là où vous verrez l’importance qu’avait le sucre en terme d’apport énergétique : si vous perdez du poids, c’est que vous mangiez beaucoup plus de sucre que vous ne pensiez. Et ca va très vite : 1 gramme de sucre égale 4 calories." Dans mon cas, la balance ne m'a pas renvoyé d'évolution concluante.
Bref, on l'aura compris, le sucre n'est pas notre ennemi, seulement son excès: c'est la quantité (et la mauvaise qualité) qui fait le poison. Mais mieux vaut ne pas jouer aux apprentis sorciers et se méfier de certains "challenges" qui fleurissent sur les réseaux sociaux. La nutrition, c'est une science, et c'est la base de votre santé, donc s'il est important d'écouter et de préserver notre corps, il l'est tout autant d'écouter les professionnels qui sauront vous proposer, en cas de besoin, un plan de nutrition adapté.
Quant à moi, je vais déguster cette glace menthe-choco qui me faisait baver depuis un mois :
