Les électeurs de l'entité serbe de Bosnie ont commencé à voter dimanche pour élire un successeur à Milorad Dodik, qui a dirigé la Republika Srpska (RS) pendant deux décennies avant d'être démis de ses fonctions par la justice après une grave crise politique.

Le nouveau président de la RS, qui couvre la moitié du territoire de la Bosnie, ne devrait rester au pouvoir qu'un an, puisque ce scrutin anticipé ne remet pas en question la tenue des élections générales en octobre 2026.

Ce vote est censé mettre fin à une période de turbulences en Bosnie, qui a vu le duel entre M. Dodik, proche de Moscou, et le Haut Représentant international - chargé du respect de l'accord de paix de 1995 - pousser le pays dans la plus grave crise politique depuis la fin de la guerre.

Le Haut représentant dispose de larges pouvoirs: il peut imposer ou modifier des lois, limoger des élus... Des prérogatives dénoncées sans cesse par M. Dodik, qui a multiplié les menaces sécessionnistes et les insultes envers l'actuel envoyé international, Christian Schmidt, un ex-ministre allemand arrivé en 2021.

"Ces élections ont été organisées par les musulmans bosniaques et Schmidt", a déclaré Dodik dimanche après avoir voté dans sa ville natale de Laktasi.

"Ils voulaient nous vaincre en Republika Srpska, et maintenant le peuple a une chance de les vaincre", a-t-il dit aux journalistes en promettant "la République serbe avant tout".

Deux favoris

Après avoir voté, Brankica Dragojlovic, une économiste retraitée, a exprimé l'espoir de jours meilleurs, car sa pension de 350 marks convertibles (180 euros, 206 dollars) est à peine suffisante pour s'en sortir.

"Ce que nous avons eu jusqu'à maintenant a été terrible... Si mon fils n'avait pas été là, je serais morte de faim. Il (Dodik) nous a tout volé, il devrait aider les pauvres, pas prendre l'argent pour lui", a-t-elle lancé.

Par cette journée froide et nuageuse, le taux de participation était inférieur à 10% à 10H00 GMT, a précisé la commission électorale centrale.

RTL

L'ancien président de la Republika Srpska Milorad Dodik (droite), et le candidat à la présidentielle Sinisa Karan, lors d'un meeting de campagne à Foca, en Bosnie-Herzégovine, le 13 novembre 2025 / © AFP/Archives

Six candidats sont en lice. Mais le choix des quelque 1,2 million d'électeurs devrait se porter entre le favori, Sinisa Karan, 63 ans, ancien ministre de l'Intérieur et homme de confiance de Milorad Dodik, et un quasi-inconnu, Branko Blanusa, professeur universitaire d'électrotechnique de 56 ans, dont la candidature est soutenue par plusieurs formations d'opposition.

La RS est, avec la fédération croato-musulmane, l'une de deux entités autonomes qui forment la Bosnie-Herzégovine. Le président y désigne le Premier ministre, promulgue les lois, mais sans une majorité au Parlement, ses pouvoirs sont limités.

"Pays impossible"

M. Dodik a été condamné en appel, en août, à un an de prison - une peine transformée en jours-amende - et à une interdiction d'exercer toute fonction publique pendant six ans, pour non-respect des décisions de l'émissaire international.

Après avoir défié le verdict, il a fini par accepter l'élection d'un successeur - juste avant que Washington ne lève les sanctions qui le visaient depuis près de 10 ans à cause de sa politique séparatiste.

Durant la campagne, Milorad Dodik a affirmé qu'un vote pour M. Karan était en fait un vote pour lui-même et sa politique, répétant que la Bosnie était "un pays impossible" et la RS "un État" qui doit "attendre" sa reconnaissance internationale.

Milan Golja, un retraité, a ainsi voté pour Sinisa Karan car il souhaite la continuation de la politique de Milorad Dodik. "Tout ça est une grande farce fabriquée par l'Occident... Dodik a le soutien du peuple", a-t-il déclaré à l'AFP à Laktasi.

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Le candidat à la présidentielle organisée dans l'entité serbe de Bosnie, Branko Blanusa, lors d'un meeting de campagne à Sarajevo le 17 novembre 2025 / © AFP/Archives

De son côté, Branko Blanusa a expliqué que la RS était surtout "menacée" par les politiques de son adversaire: "il a humilié les institutions de la RS pour ses propres intérêts et sa richesse, et c'est pour cela qu'il est désormais sur la liste noire du peuple".

Quel que soit le résultat dimanche, pour l'historien et diplomate Slobodan Soja, il n'y a pas "la moindre différence idéologique entre les partis au pouvoir et ceux de l'opposition", qu'il qualifie, les uns comme les autres, d'"anti-populaires, égoïstes et irresponsables".