En résidence surveillée depuis plusieurs mois, l'ex-président brésilien Jair Bolsonaro a été placé samedi en détention provisoire après avoir usé d'un fer à souder contre son bracelet électronique. Par "curiosité", dit-il, mais la justice l'accuse d'avoir voulu s'échapper.
L'imprévisible ancien dirigeant d'extrême droite (2019-2022) a été condamné en septembre à 27 années de prison pour une tentative de coup d'Etat visant à empêcher le retour au pouvoir de son rival de gauche, Luiz Inacio Lula da Silva, son tombeur à la présidentielle d'octobre 2022.
Conduit samedi matin dans les locaux de la police fédérale à Brasilia, M. Bolsonaro, 70 ans, était assigné à résidence et sous surveillance électronique depuis août dans le cadre d'une enquête sur des soupçons d'obstruction à son procès.
Dans sa décision consultée par l'AFP, le juge Alexandre de Moraes, chargé du dossier, explique qu'il a ordonné une détention provisoire et non l'exécution de la peine - que l'intéressé essaie encore d'empêcher par des recours.
Selon le magistrat, l'ex-président a tenté samedi peu après minuit de "casser" son bracelet électronique dans l'espoir de s'évader à la faveur d'une manifestation prévue en fin de journée par ses partisans près de son domicile dans la capitale. Il a évoqué un "risque élevé de fuite".
M. Bolsonaro lui-même a reconnu avoir attaqué l'appareil avec un fer à souder, dans une vidéo de l'inspection réalisée par la police une fois alertée.
A la policière qui, manipulant le bracelet à sa cheville, l'interroge sur les traces très visibles de brûlure sur le boîtier et lui demande s'il a employé un fer à repasser, il répond: "Non, un fer à souder". Par "curiosité", glisse-t-il sur un ton décontracté.
Son fils aîné, le sénateur Flavio Bolsonaro, avait appelé à une veillée de prières près de chez l'ex-président.
Le rassemblement ouvrait une "possibilité de tentative de fuite vers une des ambassades proches de sa résidence", selon le juge Moraes, soulignant la proximité de la chancellerie des Etats-Unis.
Jair Bolsonaro est un allié de Donald Trump. Dénonçant une "chasse aux sorcières" contre lui, le président américain a infligé en représailles une surtaxe punitive au Brésil, avant de l'alléger considérablement après une rencontre avec Lula en octobre. Il a jugé samedi "vraiment mauvaise" la nouvelle de cette détention.
"De ta faute"
Dans un bar fréquenté par la gauche à Brasilia, des centaines de personnes ont célébré, entre bières et percussions, les déboires de M. Bolsonaro.
Malgré la cohue, Tatiany Volker, employée de 41 ans, est venue avec ses deux filles fêter un "moment historique", explique-t-elle à l'AFP.
A proximité des locaux de la police, autre ambiance: une poignée de sympathisants bolsonaristes se sont regroupés, brandissant des drapeaux brésiliens. "Tout ça c'est une persécution politique", s'indigne Alessandro Gonçalves de Almeida, chauffeur de VTC de 53 ans.
L'ex-président, dont l'état de santé est délicat selon ses proches, a été conduit dans un complexe de la police où les détenus sont soumis à des examens médicaux avant d'être envoyés en prison.
Une source proche du dossier a envoyé à l'AFP une vidéo montrant la petite chambre dans laquelle il est détenu pour le moment, équipée d'un climatiseur, d'une télévision et d'un mini-réfrigérateur
Alexandre de Moraes a donné 24 heures à ses avocats pour fournir des explications sur l'incident.
La défense a annoncé qu'elle ferait appel de cette détention provisoire et averti que "son emprisonnement pourrait mettre sa vie en danger".
Le leader conservateur souffre notamment des séquelles d'un coup de couteau reçu à l'abdomen en 2018.
Sur les réseaux sociaux, Flavio Bolsonaro a tonné contre le juge Moraes: "Si mon père meurt là-dedans, ce sera de ta faute", a-t-il lancé.
Lors de la veillée litigieuse organisée samedi soir, mêlant chants et prières et rassemblant quelques dizaines de supporteurs, il a avancé une hypothèse: son père pourrait s'en être pris à son bracelet électronique par "désespoir" ou par "honte" devant des proches venus le voir chez lui.
Droite sans champion
La Cour suprême a formellement rejeté la semaine dernière l'appel interjeté par l'ancien président de sa condamnation.
Mais sa défense compte encore déposer des appels supplémentaires jusqu'au dernier délai lundi.
La situation judiciaire de Jair Bolsonaro laisse son camp sans champion désigné pour la présidentielle de 2026, alors que Lula a déjà dit qu'il briguerait un quatrième mandat.