Le président Bachar al-Assad a fui la Syrie, chassé par une offensive spectaculaire des rebelles islamistes, un tournant de l'histoire qui met fin dimanche à un demi-siècle de règne sans partage du clan Assad.
M. Assad, qui a pendant 24 ans dirigé d'une main de fer la Syrie meurtrie par près de 14 ans de guerre, se trouve avec sa famille à Moscou selon les agences russes.
Des scènes de liesse ont accueilli sa chute à travers le pays, alors que le chef des rebelles islamistes, Abou Mohammad al-Jolani , a fait son entrée dans la capitale Damas.
 
                    Des habitants dans le centre de Damas célèbrent le départ de Bachar al-Assad annoncé par la rébellion le 8 décembre 2024 / © AFP
Celle-ci a été placée sous couvre-feu jusqu'à lundi 05H00 (02H00 GMT), ont annoncé les rebelles qui ont proclamé "le début d'une nouvelle ère pour la Syrie, après 50 ans d'oppression".
"On attendait ce jour depuis longtemps", a déclaré en fondant en larmes Amer Batha, joint au téléphone par l'AFP à Damas. "Je n'arrive pas à croire que je vis cet instant. C'est une nouvelle histoire qui commence."
En Syrie, comme à l'étranger, de nombreux Syriens ont exprimé leur joie.
"Je n'ai jamais connu une telle joie", a confié à l'AFPTV Mohammad Najm, un Syrien habitant en Allemagne, qui attend à un poste-frontière jordanien de pouvoir rentrer chez lui.
Après l'annonce de l'entrée des rebelles à Damas, une partie du palais présidentiel a été incendiée. A deux kilomètres de là, des dizaines d'hommes, de femmes et d'enfants ont pénétré dans la résidence fastueuse des Assad, qui venait d'être prise par les rebelles et pillée, selon un journaliste de l'AFP sur place.
 
                    Un combattant rebelle tire en l'air en signe de victoire, à Homs, dans le centre de la Syrie, le 8 décembre 2024 / © AFP
"La Syrie est à nous"
"La Syrie est à nous", ont scandé des combattants dans les rues de Damas.
A Damas, comme dans d'autres villes, des manifestants ont renversé et piétiné des statues de Hafez al-Assad, qui a dirigé la Syrie de 1971 à sa mort en 2000, et de son fils Bachar.
Des soldats syriens se sont débarrassés à la hâte de leur uniforme, en sortant du siège de l'état-major situé sur la place des Omeyyades, d'après des témoins.
Le 27 novembre, une coalition de rebelles menée par le groupe islamiste radical Hayat Tahrir al-Sham (HTS) d'Abou Mohammad Jolani, a lancé une offensive à partir de son fief à Idleb (nord-ouest).
 
                    Des habitants dans le centre de Damas célèbrent le départ de Bachar al-Assad annoncé par la rébellion le 8 décembre 2024 / © AFP
En quelques jours, devant l'effondrement des forces gouvernementales, les rebelles ont conquis de vastes territoires et les grandes villes d'Alep (nord), de Hama (centre), Deraa (sud) avant de s'emparer samedi de Homs, Damas, puis d'entrer à Damas.
Il s'agit de l'avancée la plus spectaculaire depuis le début de la guerre civile en Syrie, déclenchée en 2011 après la répression sanglante de manifestations prodémocratie et qui a fait près d'un demi-million de morts.
Au moins 910 personnes, dont 138 civils, ont été tuées pendant l'offensive rebelle, selon l'OSDH.
Jolani à la mosquée des Omeyyades
Après ses combattants, Abou Mohammad al-Jolani est arrivé à Damas où il s'est prosterné sur une pelouse avant de se rendre à la mosquée historique des Omeyyades.
Il a appelé dans un communiqué ses combattants à ne pas s'approcher des institutions publiques, ajoutant que celles-ci restaient sous contrôle du Premier ministre jusqu'à la "passation officielle".
Dans une vidéo publiée sur Facebook, le Premier ministre syrien, Mohamed al-Jalali, s'est dit prêt à coopérer avec tout nouveau "leadership" choisi par le peuple.
 
                    Un portrait de Bachar al-Assad au cadre brisé dans un bâtiment de la Direction de la sécurité politique du régime syrien à la périphérie de la ville de Hama (centre), le 7 décembre 2024 / © AFP
HTS, l'ancienne branche syrienne d'Al-Qaïda qui dit avoir rompu avec le jihadisme, sans réellement convaincre les chancelleries occidentales.
A la télévision publique, les rebelles ont annoncé la chute du "tyran" et dit avoir libéré tous les prisonniers "injustement détenus", dont ceux détenus à Saydnaya, une prison symbole des pires exactions des forces de M. Assad.
Tout en saluant la chute du pouvoir, plusieurs pays ont exhorté les Syriens à éviter le piège de l'extrémisme.
La France a appelé la population "à l'unité, à la réconciliation" et le chef de l'ONU, Antonio Guterres, à protéger "les droits de tous les Syriens".
"Extraordinaires"
"Les événements extraordinaires" en cours en Syrie, sont suivis "attentivement" par Joe Biden, qui va s'exprimer sur la situation en soirée.
La Turquie, qui soutient des groupes rebelles et accueille des millions de réfugiés syriens, a dit être en contact avec les insurgés pour garantir la sécurité, ajoutant que les nouvelles autorités ne devaient pas "constituer une menace" pour les pays voisins.
Amnesty International a souligné que les auteurs de violations des droits humains perpétrés sous Assad devaient être jugés dans des "procès équitables".
Le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, a déclaré que la chute d'Assad était "une conséquence directe des coups" qu'Israël avait "portés à l'Iran et au Hezbollah" libanais.
Face à l'offensive rebelle, le soutien de Moscou, dont les troupes sont mobilisées par la guerre en Ukraine, s'est effrité tout comme celui de l'Iran et du Hezbollah, sortis affaiblis de la guerre au Liban, laissant le pouvoir syrien isolé, selon des experts.
L'Iran, dont l'ambassade à Damas a été saccagée, a prévenu que sa politique était susceptible de changer en fonction "du comportement des acteurs" sur le terrain en Syrie.
 
                     
                     
                     
                    