Le procès Bommeleeër bis débute ce lundi devant le tribunal d'arrondissement de Luxembourg.

L'affaire Bommeleeër demeure l'une des affaires non résolues les plus célèbres du Luxembourg. Entre 1984 et 1986, une vingtaine d'attentats à la bombe ont visé des infrastructures dans tout le pays, notamment des pylônes électriques et des bâtiments publics. Malgré des enquêtes approfondies et un procès très médiatisé lancé en 2013, personne n'a jamais été condamné.

C'est le procès dit “Bommeleeër-bis”, qui débute ce lundi, contre cinq anciens gendarmes et deux ex-membres de la Sûreté publique, accusés d’avoir fait de fausses déclarations ou dissimulé des informations lors du procès principal. Après un intermède de 11 ans, le dossier Bommeleeër revient donc devant la justice, qui va examiner les résultats de l’enquête. 
 
L’affaire Bommeleeër reste un mystère après plus de quatre décennies. Une vingtaine d'attentats qui, par miracle, n'ont fait aucune victime. Qui a volé de la dynamite début 1984 et tenté sans succès de faire exploser un pylône à haute tension à Beidweiler le 30 mai, puis réussi deux jours plus tard ? Qui a ensuite déclenché des bombes, notamment près d’un chalet à Bourscheid, d’une conduite de gaz à Hollerich, de la piscine au Kirchberg et du système de navigation au Findel ? Qui étaient les auteurs de ces attentats et pourquoi ont-ils semé la terreur parmi les Luxembourgeois ?

Qui sont ou qui étaient les "Bommeleeër", les poseurs de bombes?

A ce jour, ces questions restent sans réponse. Les hypothèses et théories ne manquent pas : la plus audacieuse veut que la famille grand-ducale ait été impliquée. Les enquêteurs ont aussi exploré la piste d’une armée secrète américaine, baptisée “Stay Behind”, qui aurait voulu secouer les États membres de l’OTAN. Le parquet considère surtout qu’il s’agit d’une affaire nationale : certains membres d’une gendarmerie alors sous-dotée et sous-financée auraient voulu donner un coup de main aux responsables politiques par la terreur. Le fait que les attentats aient été menés avec le savoir-faire et la précision nécessaires a renforcé cette thèse. Ainsi, deux membres de la “Brigade mobile de la Gendarmerie”, une unité d’élite, ont été présentés par la justice comme les premiers suspects concrets dans l’affaire Bommeleeër, plus de vingt ans après les faits. Il s’agit de Marc Scheer et de Jos Wilmes, aujourd’hui âgés respectivement de 70 et 68 ans.

Un peu plus de six ans plus tard, le procès des deux seuls accusés s'est ouvert début février 2013. À l’été 2014, après 177 jours d’audience, le procès était suspendu. À l’époque, le procureur Georges Oswald déclarait :
 
"Les audiences plus intéressantes ont surtout été celles où des personnes ont livré au tribunal des déclarations manifestement invraisemblables, qui n’étaient pas présentes dans le dossier jusqu’alors ou n’avaient pas été faites sous serment. Cela remplissait donc parfaitement l’une des conditions de la fausse déclaration." Et de poursuivre : "De ce point de vue, le procès a apporté beaucoup d’éléments nouveaux. Il est apparu beaucoup plus clairement quel rôle chacun a joué, en contradiction avec les obligations professionnelles qu’il était censé respecter."
 
À l’époque, plusieurs témoins se sont donc embrouillés dans des contradictions pendant le procès et se sont ainsi rendus suspects.

Il s’agit des anciens supérieurs des deux principaux accusés : les gendarmes Harpes, Reuland, Schockweiler, Stebens et Bourg, ainsi que Marcel Weydert de la Brigade mobile. Voici comment l’ancien journaliste de RTL, Nico Graf, expliquait en 2018, soit cinq ans après le début du véritable procès Bommeleeër, où en étaient les enquêtes :

Il faut déterminer si ces six personnes étaient complices, ou au moins au courant. Et d’abord, précise le procureur Georges Oswald, il faut analyser le matériel de base : qu’a-t-on dit, murmuré, toussé, insinué ou carrément passé sous silence pendant le procès ? Un travail colossal pour les enquêteurs : toutes les audiences ont été enregistrées. Rien que ces enregistrements ont dû être intégralement examinés.
 
Onze ans plus tard, les résultats de l’enquête, clôturée dès 2019, vont désormais être examinés dans le cadre du procès “Bommeleeër-bis”. Cependant, le prévenu Charles Bourg est décédé l'été dernier, l’enquêteur de la Sûreté Lucien Linden est lui aussi décédé. Il reste donc quatre anciens gendarmes de haut rang, âgés de 65 à 97 ans, ainsi qu’un membre de la Brigade mobile. Les deux ex-enquêteurs de la Sûreté, Haan et Büchler, sont quant à eux soupçonnés d’avoir menti concernant Ben Geiben, le fondateur de la Brigade mobile, qui avait été un temps considéré comme principal suspect dans l’affaire Bommeleeër, avant que ce soupçon ne soit définitivement levé l’an dernier.

Sept personnes comparaîtront donc lundi après-midi devant la justice pour leurs déclarations contradictoires lors du procès principal, déclarations qui ont entravé la recherche de la vérité, et non en tant que complices potentiels. Seize jours d’audience sont prévus, avant un jugement qui pourra encore faire l’objet de recours. Tant que le procès “Bommeleeër-bis” n'aura pas abouti, le procès principal ne reprendra pas.

La première audience du procès "bis" débutera lundi à 15h.