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L'Inspection générale de la police a été saisie d'une plainte de Mohamed Soumah, 34 ans et habitant à Insenborn. L'information a été confirmée par l'IGP.
Mohamed Soumah, qui a déposé plainte auprès de l'Inspection générale de la police, a lui-même contacté RTL. Dans l'interview accordée, il expose son point de vue et les circonstances qui l'ont amené à porter plainte.
"Je voulais juste signaler un accident"
Le 11 mai 2023 au matin, Mohamed Soumah circulait en voiture entre Eisenborn et Eschdorf, pour emmener ses trois enfants à l'école. Sur une route plutôt étroite, il a croisé une camionnette de la commune d'Esch-sur-Sûre. Il y aurait eu un impact et le rétroviseur gauche de Mohamed aurait été endommagé.

Mohamed Soumah dit qu'il est resté un moment sur place, qu'il a constaté les dégâts et a voulu parler à l'employé communal. Mais ce dernier aurait simplement poursuivi son chemin. Après avoir conduit ses enfants à l'école, il se serait rendu au commissariat Turelbaach à Heiderscheid, où il aurait signalé l'incident et voulu porter plainte pour délit de fuite.

Une autre réalité du côté de la mairie d'Esch-sur-Sûre
La commune d'Esch-sur-Sûre affirme que c'est le contraire qui se serait produit. "L'ouvrier communal est resté sur l'accotement et a attendu quelques minutes. L'autre véhicule ne s'est simplement pas arrêté. Il y a même des témoins", selon un responsable du Service technique.
Mohamed Soumah ayant reconnu qu'il s'agissait d'une camionnette communale, la police aurait décidé de contacter d'abord la mairie. "Nous devons faire un constat, m'a dit le policier", selon Mohamed. Il aurait ensuite quitté le commissariat.
Le lendemain, le 12 mai, Mohamed Soumah emmène à nouveau ses trois enfants à l'école. Près de la salle de sport, il aurait aperçu une camionnette de la commune d'Esch-sur-Sûre à l'arrêt et aurait adressé la parole à l'ouvrier. "Nous ne pouvions pas nous mettre d'accord sur la question de la responsabilité, alors nous sommes retournés au commissariat de police."
Là, le constat aurait enfin été rempli. Plus exactement, un policier aurait rempli le constat pour Mohamed Soumah et ce dernier l'aurait signé. Malgré le constat, l'homme aurait insisté pour porter plainte contre l'ouvrier communal pour délit de fuite.
C'est alors que le supérieur du policier serait intervenu et que la discussion serait devenue plus houleuse.
"Le chef m'a accusé d'être drogué. Il m'a sommé de quitter le commissariat, mais je voulais porter plainte. Puis il m'a attrapé par les cheveux et a voulu me traîner hors du commissariat. J'ai perdu l'équilibre et je suis tombé. Tous mes papiers étaient par terre. Le plus jeune policier a tenté de calmer son supérieur, mais celui-ci a mis son genou sur mon cou, alors que j'étais allongé sur le sol. Ensuite, d'autres policiers ont désamorcé la situation."
Après cela, il se serait retrouvé seul dans le bureau avec le policier plus âgé et ce dernier l'aurait filmé avec son téléphone portable jusqu'à ce qu'il ait quitté le bureau, alors que Mohamed Soumah voulait sortir son téléphone portable pour filmer également.
La police n'a pas pu s'exprimer sur cette affaire
Nous avons demandé au commissariat Turelbaach si les policiers pouvaient nous dire quelque chose à ce sujet. Ils nous ont immédiatement renvoyés vers le Service de presse officiel de la police. Là non plus, personne n'a pu, ni voulu, commenter toute cette affaire. "Les enquêtes à charge et à décharge sur des faits, dont des personnes se plaignent auprès de l'IGP, relèvent uniquement de la compétence de l'IGP, l'organe de contrôle indépendant de la police", nous a-t-il été répondu.
L'Inspection générale de la police est un service externe placé sous l'autorité des ministères de la Sécurité intérieure et de la Justice. La mission de cet organe est de contrôler le fonctionnement de la police et de procéder aux vérifications en cas d'incidents.
L'IGP a seulement confirmé à RTL que Mohamed Soumah avait déposé une plainte. Plusieurs tentatives n'ont pas permis d'en savoir plus sur cette affaire.
Retour au commissariat de police
Plus tard, le plus jeune policier serait venu au commissariat avec l'épouse de Mohamed, qui aurait appelé Mohamed auparavant. Ils se seraient à nouveau vu refuser de déposer plainte. "Je ne peux pas m'opposer à mon supérieur, a dit le policier," selon Mohamed.
Ensuite Mohamed aurait contacté le Centre pour l'égalité de traitement, qui l'aurait dirigé vers l'Inspection générale de la police et lui aurait recommandé de consulter un médecin.
C'est ce qu'a fait Mohamed. L’IGP a confirmé, qu'elle avait été saisie d'une plainte de Mohamed Soumah, mais sans pouvoir rien dire de plus.
Dans le rapport du médecin, il figure seulement que le patient a mal à l'épaule parce qu'il est tombé dessus lors de l'incident. Cependant il ne présente pas de blessures externes visibles.
Il était toutefois aussi important pour le jeune homme d'effectuer un examen toxicologique complet afin de réfuter les accusations du policier selon lesquelles "il aurait pris quelque-chose". Aucun résidu de stupéfiants n'a été découvert dans son sang, comme le montrent les résultats ci-dessous. La rédaction a pu consulter l'ensemble du dossier.
Pas le premier contact avec la police
"J'ai déjà rencontré le policier qui m'a tiré les cheveux et s'est agenouillé sur moi, deux fois auparavant."
La première fois, le policier serait venu sonner chez lui parce que sa fille n'était pas à l'école depuis deux jours. "Ma fille était malade. Elle était à la maison. Mais le policier a voulu voir immédiatement ma carte d’identité."
La deuxième fois, les deux hommes se seraient rencontrés alors que Mohamed Soumah circulait en voiture et qu'un arbre était tombé sur la route juste devant lui. "J'ai freiné fort et j'ai quitté la route. Ensuite j'ai appelé la police et signalé l'accident. C'est le même policier qui était sur place. J'ai reçu une amende de 145 euros et deux points en moins, parce que mes pneus n'étaient pas en règle. J'ai accepté cette sanction."
Mohamed vit au Luxembourg depuis huit ans et, en tant que musicien, il donne des cours sur musique d'Afrique de l'Ouest dans plusieurs écoles. "J'ai toujours respecté la police. Mais lors de cet incident au commissariat, je me suis senti traité comme un chien."