Le procès d'un ancien entraîneur de volleyball accusé d'avoir filmé et photographié à leur insu des joueuses dans les douches et les vestiaires. La victime principale nous raconte son calvaire.

Je retrouve Anna (prénom d'emprunt) dans un café à Luxembourg. Devant moi se tient une jeune femme de 23 ans dont on soupçonne les épreuves qu'elle a dû traverser ces trois dernières années. Elle est désormais prête à raconter ce qui lui est arrivé.

Les faits remontent au mois de février 2020. On apprenait qu'une enquête avait été ouverte à l'encontre d'un entraîneur de volleyball soupçonné d'avoir "fabriqué, détenu, diffusé ou enregistré" des images pédopornographiques. L'homme aurait filmé des joueuses dans le vestiaire et dans les douches puis diffusé les images sur le darknet.

Pour Anna, c'est le choc. À l'époque, elle joue au volleyball et se demande qui est l'entraîneur en question. Elle écrit d'ailleurs un SMS à son coach lui demandant qui est "le tr** du c**" à l'origine de ces images. Elle ne recevra jamais de réponse à son message. L'homme était déjà en détention provisoire.

Très vite, elle et son équipe comprennent qu'il s'agit de leur entraîneur. "C'est écoeurant quand on sait qu'on a été filmé dans les douches après l'entraînement. Mais ça ne me concernait pas que moi, c'était le cas de toute l'équipe. À ce moment, on ne réalise pas encore, ça ne nous a pas l'air si grave", nous raconte-t-elle.

Le vrai choc arrive un an après

"J'ai été appelée à me présenter au bureau de police au mois de février 2021. J'ai cru que j'allais simplement faire une déposition au sujet des images enregistrés dans les vestiaires. Au final, je suis restée sur place pendant plus de trois heures."

Anna n'avait pas seulement été filmée dans les douches et les vestiaires. Près de 3.600 vidéos et photos d'elle avaient été retrouvées et diffusées sur le darknet et ce, pendant près de six ans. L'entraîneur était le père de sa meilleure amie. C'était comme une seconde famille pour elle. Elle allait souvent à la maison de son entraîneur.

D'autres photos d'Anna ont été retrouvées par les autorités. "Il y avait des photos de nos vacances, des photos de ma chambre, où je me changeais et bien d'autres. Cet homme a suivi toute mon évolution" explique-t-elle. Les images remontaient jusqu'à une époque où elle n'avait que 12 ans.

C'est à ce moment là que vient le véritable choc. "On m'a fait voir toutes les photos. Il a fallu que je confirme à chaque fois que c'était bien moi sur ces images. Après plus de trois heures, je suis sorti du commissariat et j'ai pleuré dans ma voiture. Je n'ai commencé à réaliser ce qui est arrivé que quant je suis arrivé dans ma chambre le soir-même."

Quelques jours plus tard, Anna fait le choix d'aller voir une psychologue. La jeune femme ne se sent plus en sécurité. Partout où elle se change ou elle se douche, elle vérifie s'il n'y a pas de caméras. "Je ne me sentais même plus en sécurité chez moi", nous dit-elle. Les choses se sont également compliquées avec son copain de l'époque. Anna a perdu confiance en les hommes et remet même en question des personnes qu'elle connaît depuis longtemps. Elle ne veut plus qu'on la touche.

"Ça m'a pris du temps mais j'ai éventuellement réussi à recommencer à voir des gens et à faire la connaissance de nouvelles personnes. Je pense que ce qu'il y avait de pire c'était que je les considérais comme une seconde famille. Je n'aurais jamais imaginé qu'une personne pouvait avoir à tel point une face cachée. C'est une peur que j'ai transposé à beaucoup d'autres personnes."

Ce qui l'a particulièrement aidée, c'est que l'équipe de volleyball soit restée solidaire et que les joueuses aient pu échanger à ce sujet. Elle a également trouvé beaucoup de réconfort auprès de ses proches. "Au début, je ne voulais pas vraiment en parler mais j'ai remarqué que ça me faisait du bien et que mes proches me soutenaient."

"Une résolution"

Ce lundi, l'ex-entraîneur de volleyball devra répondre de ses actes devant la justice luxembourgeoise. Anna est stressée mais elle voit également le procès sous une lumière positive: "J'espère qu'on pourra tirer un trait sur cette affaire après le procès. C'est presque une résolution bien que je n'oublie rien."

Ce sera la première fois qu'elle revoit son ancien coach. La jeune femme s'est préparée à la confrontation. Elle est allée sur place pour se familiariser avec la salle du tribunal. Son avocate et sa psychologue l'ont également préparée au déroulé du procès.

"Les lois devraient être plus sévères"

Anna explique qu'elle aurait facilement pu tomber sur son ex-entraîneur avant le procès. En effet, après quelques mois de détention provisoire, l'homme avait été relâché et avait pu reprendre le travail.

"Il a détruit la vie de sa famille et il nous a fait subir tout ça. Malgré tout, on aurait théoriquement pu tomber sur lui à n'importe quel moment. Parfois j'y pense avant d'aller à une fête. J'évalue le risque de le croiser..."

Elle considère injuste que son ancien coach ait pu reprendre sa vie après tout ce qu'il est accusé d'avoir fait. "Les lois devraient être plus sévères. Parfois, j'aimerais être aux Etats-Unis parce que là-bas, il aurait été enfermé pour de nombreuses années." 

C'est aussi pourquoi Anna a attendu pour raconter son vécu. "Ça peut malheureusement arriver à tout le monde. Il ne faut pas devenir paranoïaque mais il faut savoir que l'on ne peut pas faire confiance à tout le monde." 

Si vous avez vécu quelque chose de similaire et vous aimeriez le partager, n'hésitez pas à nous écrire à l'adresse: dossier@rtl.lu

À qui m'adresser pour de l'aide? 

Les enfants et les adolescents peuvent composer le 11 61 11

Les adultes peuvent s'adresser à SOS Détresse en composant le 45 45 45

Vous pouvez également consulter le site  www.prevention-suicide.lu