Elle est restée pendant vingt ans sous le sable, afin de la préserver jusqu'au jour J. Et ce jour est arrivé: la crypte du Saint Esprit, à Luxembourg, est en train d'être exhumée afin de dévoiler ses vestiges archéologiques. En attendant l'ouverture au public en 2024, petite visite guidée...

Qui imaginerait qu'un tel chantier se trouve là, pile en dessous de la Cité Judiciaire? Le seul indice est un drôle de camion stationné dans une rue en contrebas, et qui transporte un "aspirateur" surpuissant. Car son rôle n'est pas mince: avaler les 3.000 m3 de sable qui ont été déversés il y a vingt ans dans la crypte du Saint-Esprit. "Et quand on sait qu'un camion transporte généralement 10m3 de sable, vous voyez un peu l'ordre de grandeur" souffle Christiane Bis.

Cette archéologue à l'Institut Nationale de Recherche Archéologique ne cache pas son excitation. Il y a vingt ans, justement, elle était présente lorsque ce trésor patrimonial a été enseveli pour permettre la construction de la Cité Judiciaire (achevée en 2008) et surtout pour préserver les vestiges qui dorment là. Et aujourd'hui, elle peut annoncer fièrement la bonne nouvelle: "Le sable est en train d'être aspiré, donc les archéologues vont pouvoir débarquer et travailler avec leurs petits pinceaux pour dévoiler les vestiges". Une véritable chasse au trésor qui va reprendre pour ces passionnés d'Histoire et de patrimoine.

On entre donc dans une phase plus délicate, car les vestiges sont mis à nu, et il faut éviter à tout prix d'endommager accidentellement ces morceaux d'Histoire. "Ne marchez que sur le sable, évitez les pierres" nous conseille-on d'ailleurs lorsqu'on pénètre dans la crypte, située à l’intérieur de la citadelle du Saint-Esprit et en-dessous du palais de la Justice de Paix. Après avoir emprunté un long couloir, la première chose que l'on aperçoit, ce sont les imposants piliers qui ont été construits pour soutenir la Cité Judiciaire. Puis l'oeil s'habitue à l'obscurité et les vieilles pierres en gré, les piliers et autres fondations se dévoilent sur près de 1.000m2.

UN PROJET RESTÉ LONGTEMPS DANS LES CARTONS

Ce site archéologique est à lui seul un concentré de l'histoire de la ville de Luxembourg. Construit au 12e siècle, il a accueilli l’ancien couvent des Clarisses (au départ 1254-1264 "Pénitentes de Sainte-Marie-Madeleine", puis de 1264-1783 "Clarisses Urbanistes"), fondé en 1234 sur initiative de la comtesse Ermesinde. Le site fut ensuite aménagé en 1685 par Vauban et a été utilisé à des fins militaires jusqu’en 1966.

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Le plan des ruines.

Entretemps, en 1770, le couvent a été démoli. Mais cette destruction ne fut pas totale, car en 1795 déjà un rapport d'inspection mentionne l'existence de ruines. Ensuite, au fil des siècles, le site connu divers usages et occupations. On mentionne notamment l'existence d'un bâtiment avec un puit, un laboratoire militaire, une étable...

À l'époque contemporaine, on se souviendra notamment qu'un chapiteau avait été installé là en 1995 lorsque Luxembourg était ville européenne de la culture... Puis les archéologues sont arrivés. Un premier sondage a été réalisé en 1996, mettant à jour d'importants vestiges, puis des fouilles plus poussées ont été réalisées entre 2000 et 2002. Afin de protéger le site lors des travaux de construction de la Cité judiciaire, il a donc été couvert en 2002 d’une couche de sable variant entre 0,5 et 1,5 m de profondeur. Car plutôt que de restaurer et dévoiler cette crypte en même temps que la construction de la Cité Judiciaire, comme c'était prévu, le projet est resté dans les cartons du ministère de la Culture...

L'actuelle ministre de la culture, Sam Tanson, ne pouvait donc pas manquer cette visite de chantier. "Le Luxembourg regorge de trésors archéologiques, et nous en avons un sous nos pieds. Lors de la construction de la Cité judiciaire, une promesse avait été faite à l’Unesco, de rendre accessible au public ces vestiges du passé. En visant une finalisation des travaux pour 2024, nous entendons tenir cette promesse" annonce-t-elle.

UNE PASSERELLE SUSPENDUE POUR SURVOLER LES VESTIGES

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Une visualisation de ce à quoi pourrait ressembler la future passerelle de la crypte. / © INPA.Lu

Le futur projet touristique, qui ouvrira donc au public en 2024, sera axé autour des thèmes de l’architecture du couvent, de la vie quotidienne au couvent, ainsi que de la vie religieuse au Moyen Âge.

La crypte sera traversée par environ 220 m de passerelles suspendues, guidant les visiteurs à travers les vestiges archéologiques. Le parcours s’orientera sur le chemin que les sœurs d’antan parcouraient quotidiennement, dont notamment le chemin traversant le cloître jusqu’à l’église du couvent. En examinant ainsi les murs et espaces d’en haut, le visiteur se rendra compte de l’ancien volume du couvent.

Le site sera également présenté sous l’angle du contexte social au Moyen Âge. Un tel couvent représente en effet une opportunité inouïe d’explorer la vie quotidienne et religieuse des femmes de l’époque au Luxembourg. L’histoire de la forteresse ne sera évidemment pas négligée.

Ce projet permettra au public de découvrir des vestiges uniques et l'histoire complexe de ce site. D'ici là, les archéologues seront à l'oeuvre, pierre après pierre, trouvailles après trouvailles... Et qui sait, peut-être qu'ils auront l'heureuse surprise de découvrir des trésors parmi tout ces vestiges?