Le départ de la "Gordon Bennett", plus ancienne et plus prestigieuse course de ballons à gaz au monde a été donné vendredi soir à Metz-Frescaty. 24 équipages, dont un duo mosellan, vont rivaliser de stratégie pour voler le plus loin possible en Europe.

La Coupe Gordon Bennett, dont la 68e édition s'est élancée de nuit, vendredi depuis l'ancienne base aérienne de Metz Frescaty, "c'est l'Everest du ballon à gaz!", s'amuse Christophe Houver. Et il en connaît bien le sommet puisqu'en 10 participations, le pilote mosellan qui est associé à Guillaume Jouaville dans le ballon "France 1", a déjà remporté la prestigieuse compétition qui désigne le "champion du monde", par deux fois. C'était en 2017 en 2013 aux côtés de Vincent Leÿs, la légende du ballon à gaz en France (neuf victoires).

Après trois reports du départ prévu à 19h, c'est finalement à 22 h que le premier ballon polonais (la grille départ se fait par tirage au sort) s'est élevé dans un ciel de pleine lune au son de l'hymne national et des vivats du public messin. Le départ "c'est un peu comme les J.O.", se souvient Carlo Arendt, pilote luxembourgeois qui avait participé en 2019. "Imaginez: vous vous êtes entraînés durant des mois, vous avez trouvé les fonds nécessaires et vient le jour J. Il y a du suspens toute la journée, vous ne lâchez pas la météo des yeux et vient le moment où on vous emmène vers le podium de départ. Et là, juste avant l'envol, vous avez la chair de poule", raconte-il aux toutes premières loges.

24 équipages de deux pilotes représentant 11 nations (France, Allemagne, Belgique, États-Unis, Grande-Bretagne, Pologne, Autriche, etc.) participent à cette 68e Coupe Gordon Bennett. C'est "la plus veille course aéronautique du monde, donc un championnat du monde de distance en ballons à gaz qui existe depuis 1906", rappelle Eric Décellières, président de la Fédération française d’Aérostation et pilote du ballon "France 2" baptisé au nom du Petit prince de Saint-Exupéry. Initiée au jardin des Tuileries à Paris, la course porte le nom de James Gordon Bennett Jr, fils d’un riche magnat de la presse américain et mécène des sports aériens et automobiles, qui a vécu en France.

Tous les participants sont soumis à la même règle établie depuis cette époque: 1.000 m3 d’hydrogène dans le ballon, deux pilotes dans la nacelle et un seul but: "Quelle que soit la durée c'est celui qui va le plus loin possible en ligne droite" qui gagne, explique Eric Décellières. L'an passé les pilotes sont partis de Münster en Allemagne pour batailler ferme dans le sud du Portugal. L'équipage autrichien de Christian Wagner et Stefanie Liller a gagné la coupe après 2.111 km parcourus et 67 heures de vol. L'équipage mosellan avait terminé 4e l'an passé en couvrant 2.084 km, soit à peine 27 km de moins! Le record est de 3.400 km établi par les Belges Bob Berben et Benoît Siméons en 2005, entre Albuquerque aux États-Unis et le Canada.

Si la 68e édition de la Gordon Bennett s’élance cette année depuis Metz, c’est parce qu’Eric Décellières et Benoît Havret ont remporté la 66e édition, aux Etats-Unis en 2023. Ils avaient effectué un vol de 2.661 km en 86 heures. Le pays des vainqueurs accueille l'événement deux ans après une victoire.

86 heures dans un mètre carré à deux

La Gordon Bennet c'est surtout "un challenge d'endurance", résume Eric Décellières. "Il faut imaginer 86 heures, c'est presque 4 jours dans une nacelle qui fait 1,3 m2. Donc on vit, on dort, on mange dans un mètre carré. C'est notre appartement". À l'intérieur se trouvent tous les outils nécessaires à la navigation, deux bouteilles d'oxygène pour mieux respirer au-delà de 3.000 mètres d'altitude, des habits, des victuailles, une combinaison de survie en mer, un pot de chambre et un panneau solaire est accroché à l'extérieur.

Pour parvenir le plus loin possible, la recette est simple en pratique: trouver le bon compromis entre les pelles de sable qu'il faut jeter par-dessus bord pour faire monter le ballon et tirer la soupape pour libérer du gaz, ce qui fait, au contraire, descendre le ballon. Mais avant de faire ces gestes, les pilotes doivent savoir à quelle dose le faire. Pour cela, ils sont épaulés par un
PC course, qui représente "nos yeux et une partie de notre cerveau", explique Christophe Houver. Le PC course français qui regroupe des météorologues, des contrôleurs aériens, des pilotes de ballons et d'autres experts du ciel se trouve dans un hôtel à Nancy.

Gauthier Hayt dévoile la part de rêve qui attend les pilotes embarqués à bord d'un ballon à gaz: "On découvre le monde du silence. On n'a pas de brûleur et on part pour de plus longues distances. On flotte, sans bruit". Pour Christophe Houver, "c'est très poétique, très majestueux. Il n'y a pas de bruit, pas de vent relatif, c'est un vrai balcon!" Il s'y voit déjà et se rend bien compte du privilège de pourvoir voir le monde à travers cette fenêtre unique de la Gordon Bennett: "C'est rare d'avoir des disciplines dans lesquelles on peut être libre comme ça au-dessus de l'Europe pendant quatre jours".