Avant de devenir un centre culturel, l'abbaye de Neumünster, au cœur de Luxembourg-ville, a été une prison. Et durant la guerre, un célèbre scénariste français a connu ses cellules.
“Le lieu est revenu un peu à ses origines parce qu’une abbaye, au Moyen-Âge, c’était un haut lieu culturel. C’étaient les seules personnes qui savaient lire et écrire.” Michel Pauly, professeur émérite d’histoire transnationale luxembourgeoise à l’Université du Luxembourg, se plaît à évoquer le riche passé culturel de ce lieu incontournable de la capitale grand-ducale.
Et cette satisfaction pourrait s’apparenter à une forme de soulagement lorsqu’on sait que durant plus d’un siècle, le bâtiment a servi de prison.
Si son histoire remonte à l’an 1083, lorsque Conrad Ier de Luxembourg permet la fondation d’une première abbaye, le bâtiment que l’on connaît aujourd'hui est beaucoup plus récent. Une nouvelle abbaye avait été construite pour les moines Bénédictins en 1602, détruite par les bombardements de Vauban puis reconstruite au début du 18e siècle.
Mais arrive la Révolution française et tous les ordres religieux sont levés. L’abbaye sert de bâtiment administratif, d’hôpital et finalement de prison.
Lors de l’occupation allemande, durant la Seconde Guerre mondiale, les Allemands y enferment des prisonniers de guerre. Parmi ces jeunes hommes, un certain Marcel Jullian échappe de justesse à l’exécution et profite de la bienveillance d’un gardien de prison réquisitionné par les Allemands, qui lui a indiqué que la porte était ouverte. Tant mieux pour la culture française, par la suite le soldat va faire une brillante carrière d’auteur. C’est à lui qu’on doit le scénario de La grande vadrouille de Gérard Oury, l’un des plus grands succès du cinéma français. Et c’est en son hommage que l’entrée de l’abbaye, structure recouverte d’une impressionnante verrière transparente, a été nommée Agora Marcel Jullian.
"Les conditions de vie étaient affreuses"
Mais la libération en 1945 ne sera pas synonyme de liberté pour tout le monde, l’abbaye de Neumünster reste une prison.
“Les prisonniers ont quand même commencé à se rebeller, poursuit Michel Pauly, parce que les conditions de vie étaient affreuses, les conditions sanitaires invivables. Il y a eu des révoltes, les prisonniers sont montés sur le toit.”
On décide de fermer la prison à la fin des années 70. Une nouvelle prison sera construite en 1985, près de Sandweiler, à la suite d’une réforme du système pénal décidée par Robert Krieps.
Quant à l’abbaye, longtemps, on n’a pas su quoi en faire. Le ministre Robert Goebbels a songé à en faire un hôtel de luxe. On se décide finalement pour un lieu de création, qui propose des résidences artistiques, des spectacles, expositions, conférences…
Lors de son inauguration en 2004, le directeur de l'époque Claude Frisoni a la bonne idée d’inviter Marcel Jullian, ému de voir son ancienne cellule devenue un espace ouvert aux artistes et à toutes les fantaisies.