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Au collège, Arthur ne portait que des vêtements amples, refusait de s'épiler comme les filles de son âge, était boulimique.
"Certains parents disent le sentir depuis toujours. Moi, je ne savais rien de sa transidentité", raconte Aline Mouterde, sa mère.
Fin mai, le Sénat a adopté un texte pour encadrer les transitions de genre avant 18 ans, une initiative des Républicains condamnée par la gauche et des associations, qui a rouvert le débat sur la question de la transidentité.
Aujourd'hui, Arthur, dont le prénom a été modifié, a 21 ans. Il y a cinq ans, en seconde dans un lycée lyonnais, il a fait son coming out trans auprès de sa famille.
"Je n'avais aucune idée de ce que c'était. J'étais prête à entendre qu'il y avait une différence et à l'accepter, mais j'étais démunie. Les quinze premiers jours, j'ai fait une profonde dépression, j'ai ressenti son mal-être, je me suis dit : +Mais comment n'ai-je pu ne rien voir ?+", décrit à l'AFP sa mère, âgée de 55 ans, aujourd'hui membre d'une association de parents de personnes trans.
Après cette annonce, Aline Mouterde décide de l'accompagner. Ensemble, ils se rendent au planning familial de Lyon où ils sont orientés vers le Grettis, le Groupe de recherche et de traitement des troubles de l'identité sexuelle, constitué d'une équipe hospitalière qui accompagne les personnes dans leur transition. Les délais étant trop longs pour commencer la prise d'hormones, ils se tournent vers le secteur privé.
"En tant que maman, j'étais sûre que c'était la bonne décision. Et la suite m'a prouvé que j'avais fait le bon choix de suivre mon fils car aujourd'hui, c'est un jeune homme épanoui", témoigne-t-elle, même si elle reconnaît "avoir eu des inquiétudes sur le plan médical". Des inquiétudes auxquelles les médecins de son fils ont répondu.
Mme Mouterde a également demandé au lycée d'Arthur d'accepter de changer son nom sur les bulletins scolaires, en attendant la modification de son état civil, pour ses 17 ans: "Je voulais qu'il passe le bac avec sa nouvelle identité."
"Pas la faute des parents"
"Je suis maman d'un jeune homme trans qui a fait son coming out à 17 ans. Aujourd'hui, mon fils est marié, il a un CDI. Je dis souvent ça pour rassurer les parents inquiets", sourit Eve, une Parisienne de 66 ans, qui n'a donné que son prénom. Eve non plus n'avait pas entendu parler de transidentité avant que son fils ne fasse son coming out en 2016.
"Cela n'a pas été simple, mais l'important, c'est de garder le contact avec son enfant. Il avait besoin de notre accord pour la prise d'hormones, on y a réfléchi. On s'est demandé s'il était sûr de lui, si cela n'allait pas être mauvais pour son corps... Ce qu'on se demandait surtout, c'est: +Est-ce qu'il va être heureux ?+", souligne-t-elle.
"Avec beaucoup d'amour et de respect pour son enfant, c'est possible que cela se passe bien", dit-elle.
"Si j'ai une recommandation à faire aux autres parents, c'est de ne pas rester seuls. Sans un groupe de parole pour parents de personnes trans (auquel elle a participé, NDLR), je continuerais à me demander si j'ai fait quelque chose de mal. Non ! Ce n'est pas la faute des parents", assure-t-elle.
Concernant le texte adopté par le Sénat, désormais transmis à l'Assemblée nationale sans certitude qu'il y sera examiné, Eve estime qu'il s'agit "du contraire de ce qu'il faut faire". "Il faut de la formation, impliquer les proches. Les bloqueurs de puberté sont une bonne idée, même s'il ne s'agit pas d'aller les acheter dans le supermarché du coin!", dit-elle.
La proposition de loi LR prévoit notamment l'interdiction pour les mineurs des traitements hormonaux et le contrôle strict des prescriptions de "bloqueurs de puberté", molécules permettant de suspendre le développement des caractères sexuels secondaires (poitrine, voix, pilosité) relevant du genre auquel l'enfant ne s'identifie pas.
Aline Mouterde a "l'impression d'assister à une régression": "Qu'il y ait cette initiative de vouloir interdire les bloqueurs de puberté, de penser qu'on est des parents irresponsables parce qu'on rend possible le changement de genre de notre enfant mineur, je ne pensais pas qu'on en était encore là".