Au Luxembourg, une dizaine de tournages ont été interrompus ou reportés à cause de la crise sanitaire. Une situation dramatique pour une grande partie du secteur.

Le cinéma luxembourgeois est marqué de plein fouet par la crise du coronavirus. Non seulement de nombreuses personnes travaillant dans le domaine ont été malades, parfois très malades, non seulement le Luxembourg Film Festival a été interrompu, non seulement la cérémonie des FilmPräis a été reportée à 2021... mais surtout, le secteur se retrouve à l'arrêt sans tournage et sans revenus.

"La situation est dramatique", commence Nicolas Steil, vice-président de l'Union luxembourgeoise des producteurs audiovisuels (Ulpa). "C'est terrible ce qui arrive, ici comme ailleurs pour ce secteur", renchérit Guy Daleiden, directeur du Film Fonds.

Une petite dizaine de tournages ont été interrompus ou n'ont pas pu commencer et ce chiffre va grossir dans les semaines à venir tant qu'ils ne peuvent pas reprendre. En comptant 80 à 100 personnes par film, certes parfois les mêmes, ce sont sans doute plus de 500 personnes qui se retrouvent sans travail et surtout sans perspective.

AU-DELÀ DU DÉCONFINEMENT

"Ce n'est pas parce qu'on connaîtra un déconfinement qu'on va pouvoir travailler du jour au lendemain", explique Carlo Thiel, président de l'Association luxembourgeoise des techniciens de l'audiovisuels (Alta). Les tournages reprendront - au mieux - à la fin de l'été, après une phase de préproduction indispensable et si les conditions (météo, disponibilité d'acteurs, de lieux...) le permettent.

"En attendant, si une vingtaine de personnes touchent un chômage partiel parce qu'ils avaient signé un CDD juste avant la crise et si les intermittents reçoivent des indemnités, il y a du monde sur le carreau qui ne touche rien du tout", souligne ce chef opérateur.

Comme plusieurs associations représentant le monde culturel, l'Alta a "rencontré" la ministre de la Culture qui a "compris la situation dramatique dans laquelle nous nous trouvons" et qui a proposé des aides: une indemnité pour inactivité involontaire et des ajustements dans le compte des jours d'intermittence.

L'Alta demande que les mesures soient prolongées au-delà des dates de déconfinement, jusqu'à une reprise réelle du travail. "La plupart d'entre nous ne va pas travailler pendant six à huit mois".

FRAIS SUPPLÉMENTAIRES

La reprise de l'activité de production va très certainement entraîner des surcoûts liés au redémarrage des tournages: recommencer les préparations, obtenir les autorisations pour tourner, organiser à nouveau les déplacements des équipes, réinstaller des décors qui avaient déjà été installés une première fois, relouer des lieux de tournage…

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La proximité est souvent la règle sur un tournage. Des adaptations seront de mise. / © pixabay

"Sans compter les nouvelles mesures sanitaires, un protocole qu'on ne connaît pas encore et qui ne fait pas consensus", s'inquiète Nicolas Steil qui estime ce surcoût sanitaire à au moins 150.000 €. "Selon les pays, on entend différentes mesures parfois impossibles à suivre. Luxembourg étant dépendant des coproductions, on ne sait pas à quelle sauce on va être mangé."

"Nous avons un engagement moral vis-à-vis de ce secteur et nous devons soutenir les projets qui devaient se faire. On n'a pas le droit d'arrêter", plaide Guy Daleiden. Il assure que "les dépenses supplémentaires liées aux reports et aux mesures sanitaires seront prises en charge par les aides."

QUI POUR (R)ASSURER?

Mais un problème de taille demeure que Nicolas Steil souligne: "il est impossible d'envisager un redémarrage des tournages tant que le problème des assurances n'est pas réglé."

En effet, les assureurs dans tous les secteurs, refusent de couvrir le risque de Covid-19: que faire dès lors si une deuxième vague survient ou si un comédien, un chef de poste tombe malade.

"Une clause Covid ne serait envisageable que si un fonds de garantie public est mis en place pour réassurer au moins une partie de ces risques", estime Nicolas Steil, emboîtant le pas aux producteurs français qui demandent à l'État, aux collectivités territoriales, et aux chaînes de télévision de mettre en place un fonds de garantie.

"Luxembourg ne peut pas créer un tel fonds seul, car le secteur est dépendant des pays avec lesquels il coproduit. Je plaide plutôt pour un fonds de garantie européen", conclut Guy Daleiden.