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Triste record: en France, 764 personnes sont mortes en 2024 à la suite d'accidents du travail dans le secteur privé, un chiffre qui continue d'augmenter malgré la baisse du nombre d'accidents du travail.
Parmi les personnes décédées, des salariés des transports, de la métallurgie, du BTP, mais aussi des services ou de l'alimentation, un secteur où le nombre de décès a augmenté de plus de 20% en un an, selon le rapport annuel de l'Assurance maladie sur les risques professionnels.
En 2024, l'Assurance maladie a dénombré en France 1.297 décès liés au travail. Parmi eux, 764 découlent d'accidents du travail - soit cinq de plus qu'en 2023 et 26 de plus qu'en 2022-, 318 d'accidents de trajet et 215 de maladies professionnelles.
Plus de la moitié des accidents du travail mortels font suite à des malaises quand 24% d'entre eux ont une origine professionnelle identifiée, chute ou problème de manutention notamment.
Ce nombre très élevé, représentant plus de deux morts par jour dans des accidents du travail, n'inclut pourtant pas l'ensemble des travailleurs, car le rapport se fonde sur les données des salariés du secteur privé affiliés au régime général.
Sont ainsi exclus les exploitants et salariés agricoles, les personnels des fonctions publiques et les indépendants n'ayant pas souscrit une assurance volontaire pour les accidents et maladies professionnelles.
Les 764 morts constituent un record depuis 2018, date depuis laquelle sont intégrés les décès consécutifs à des malaises, explique-t-on à l'Assurance maladie.
Pour les salariés, l'année suivant une prise de poste s'avère particulièrement à risques. En 2024, "plus de 20% des décès sont survenus dans l'année qui suit la prise de poste". Pour les salariés de moins de 25 ans, il s'agit même de plus de la moitié des décès.
La prévention des accidents du travail "reste une priorité absolue du ministre du Travail", souligne-t-on au ministère.
En cours de concertation avec les partenaires sociaux, un nouveau plan "santé au travail" pour la période 2026-2030 doit être présenté au premier trimestre 2026. Il devrait notamment prévoir "le renforcement de la formation à la prévention pour les primo-accédants" et "l'impossibilité pour un employeur condamné pour faute inexcusable d'accueillir un apprenti post-condamnation", explique-t-on au ministère.
Sous-estimation
Bien que le nombre de morts au travail continue à augmenter, la fréquence des accidents du travail a diminué de 1,1% en 2024, à 26,4 accidents pour 1.000 salariés, selon le même rapport. Il s'établit 549.614 accidents, un nombre en baisse continue depuis la fin de la crise Covid.
Le recours au télétravail pourrait expliquer en partie cette baisse.
Le rapport de l'Assurance maladie souligne que la baisse des accidents du travail chez les hommes (–40% depuis 2001), masque partiellement la forte hausse enregistrée chez les femmes, pour lesquelles leur nombre s'est envolé de 26% sur cette période.
En 2024, les maladies professionnelles augmentent de 6,7%, notamment les troubles musculo-squelettiques (+6,6%), les pathologies liées à l'amiante (+8,5%) et les affections psychiques (+9%).
Le nombre de maladies professionnelles psychiques a même doublé entre 2020 et 2024.
"Ce doublement en quatre ans correspond à une réduction de la sous-déclaration, de la sous-reconnaissance" de ces maladies mais leur sous-reconnaissance "reste considérable", pointe François Cochet, responsable des activités santé au travail de Secafi, cabinet de conseil auprès des CSE (comités sociaux et économiques).
Selon M. Cochet, le nombre de suicides liés au travail - 28 en 2024 - est également très fortement sous-estimé, beaucoup de familles ne demandant pas la reconnaissance en accident du travail.
Plus largement, "on paye aujourd'hui le prix de la suppression des CHSCT (les comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, qui n'existent plus depuis 2020, NDLR), dont les représentants du personnel "étaient relativement bien formés, en tout cas très sensibles aux questions de conditions de travail, et agissaient par leurs observations, leurs propositions au quotidien pour l'amélioration des conditions de travail", déplore-t-il.
Pour le syndicat Solidaires, "ces accidents et décès sont le reflet d'organisations pathogènes du travail mises en place pour faire passer les profits avant la santé, la sécurité et la vie des travailleurs et des travailleuses". "La précarité, la sous-traitance en progression accentuent aussi le nombre d'accidenté∙es", dénonce le syndicat.