Jacqueline Jacob (c), son avocat Stéphane Giuranna (d) et son mari Marcel Jacob (g) arrivent à la cour d'appel de Dijon, le 24 octobre 2025 / © AFP
Quarante et un ans après le meurtre du petit Grégory, qui avait provoqué une forte émotion en France, sa grand-tante a été inculpée vendredi, soupçonnée d'être un "corbeau" ayant revendiqué l'assassinat. Sa défense dénonce elle une nouvelle "erreur" dans cette enquête chaotique.
Jacqueline Jacob, 81 ans, dont l'époux Marcel est un frère de la grand-mère du petit garçon, a été inculpée pour "association de malfaiteurs" et laissée libre, a indiqué Me Stéphane Giuranna, un des trois avocats de Mme Jacob, après plus d'une heure et demi d'interrogatoire à la cour d'appel de Dijon (est).
La grand-tante est soupçonnée d'être l'un des "corbeaux" - il y en aurait cinq selon une expertise - qui ont menacé pendant des années la famille de Grégroy Villemin dans des dizaines de lettres et appels anonymes. Elle est également soupçonnée par les juges enquêteurs d'avoir revendiqué le crime en tant que corbeau.
Le juge d'instruction qui a interrogé la grand-tante "nous a dit qu'il n'avait pas le choix" de l'inculpation, a précisé Me Giuranna lors d'un point presse, ajoutant que la défense allait faire appel "sur la forme et sur le fond".
Mme Jacob ressort "sans aucune mesure de coercition ni même un contrôle judiciaire", a-t-il ajouté. "C'est donc quand même que la justice se dit qu'effectivement, ça pèse pas bien lourd et que ça vaut pas tripette", a martelé l'avocat, rappelant par exemple qu'une expertise vocale a déjà déterminé que le corbeau est "un homme âgé de 45 à 55 ans".
La grand-tante "a répondu à toutes les questions" et "n'a jamais été prise au dépourvu", a-t-il asséné.
"L'audition s'est très bien passée", a assuré un autre avocat de Mme Jacob, Alexandre Bouthier, estimant que "la justice n'apprend pas de ses erreurs", notamment quand Mme Jacob avait déjà été inculpée, en 2017, alors pour "enlèvement et séquestration suivie de mort", et même emprisonnée durant quatre jours. Cette inculpation avait cependant été annulée en mai 2018, mais pour un simple vice de forme, dans un énième couac de cette laborieuse enquête.
Lors de cette première inculpation, Mme Jacob avait proclamé sa "totale innocence".
"Gadget"
Photo non datée du petit Grégory Villemin / © AFP
L'affaire du petit Grégory est l'un des crimes non résolus les plus emblématiques de France.
L'octogénaire a subi sa seconde audition après 41 ans d'une enquête chaotique sur l'assassinat de Grégory Villemin, retrouvé noyé pieds et mains liés à l'âge de quatre ans, le 16 octobre 1984, dans une rivière des Vosges (est).
La réussite du jeune père du garçonnet, Jean-Marie Villemin, vite monté contremaître dans son usine et vivant dans une "belle maison", suscitait les jalousies. Jacqueline Jacob, déléguée syndical CGT, l'aurait traité de "chef de mes couilles" en 1982, selon des témoins.
Les époux Marcel et Jacqueline Jacob ont nié toute haine.
Me Bouthier a qualifié de "gadget" les études de stylométrie, technique qui s'attache à analyser l'orthographe et les tournures de phrases, et qui, selon les juges enquêteurs, attribuent à Mme Jacob trois courriers anonymes de 1983, dont celui du 4 mars qui menace directement les Villemin. "Je vous ferez votre peau" (sic), y était-il écrit.
"Dans quelques mois, les experts en ADN ont prévu de dire qu'ils seraient capables de démêler les ADN mélangés" qui se trouvent notamment sur les cordelettes ayant entouré le petit Grégory, retrouvé pieds et mains liés, ainsi que la lettre de revendication, a poursuivi Me Giuranna.
Les juges "auraient pu attendre quelques mois avant de réouvrir ce dossier. Je crois qu'il faut qu'on fasse tous, vous compris d'ailleurs, et nous compris, preuves de prudence dans ce dossier", a-t-il dit.