Thionville la frontalière est-elle le meilleur exemple de ce que devra être la ville des années 2020? Pour son maire, Pierre Cuny, ça ne fait aucun doute.

Fraîchement élu et reparti pour six ans à la tête de la commune - après avoir assuré durant quatre ans la succession d'Anne Grommerch, décédée en 2016 - le maire sait qu'il a du pain sur la planche. Soucieux de porter la voie des frontaliers, notamment en proposant une solution innovante pour soutenir le télétravail et financer les infrastructures, il doit aussi développer sa ville.

Il faut dire que Thionville est complexe. Située à moins de 25 km de la frontière luxembourgeoise, elle compte environ 50% de frontaliers parmi les actifs de sa population. Ces employés aux revenus plus élevés que les travailleurs locaux apportent une richesse incomparable aux commerces, mais ils sont aussi très demandeurs de services.

LE DANGER DE LA FRACTURE SOCIALE

"Le grand danger d'une ville comme Thionville, qui est une ville qui peut être comparée à une ville parisienne, c'est la fracture sociale" estime l'édile. Il y a des riches qui vivent ici et il y a des quartiers pauvres. Malgré l'attractivité du Luxembourg, on a toujours 8% de chômage." Selon lui, la commune présente un "risque de rupture sociale et sociétale. Sociale parce qu'on a des gens qui ont peu de qualifications. Et sociétale car les frontaliers n'utilisent leur ville que pour ses services mais ne participent pas à sa vie quotidienne."

Le fossé économique entre la commune et les apports du Luxembourg pourrait même se transformer en fossé culturel si rien n'est fait. "Les frontaliers vivent dans un autre monde. Ils partent le matin à 6h, vont au Kirchberg, où c'est presque Wall Street, avec de grandes entreprises et de nombreux services. En rentrant le soir, ils ont un niveau d'exigence plus élevé, à hauteur de ce qu'ils vivent la journée."

Pour y remédier, le maire ne voit pas 36 solutions. Il faut ramener des emplois et des habitants en ville. Pierre Cuny se targue d'avoir permis de créer plus de 1.200 emplois en quatre ans. Il ambitionne maintenant d'atteindre le cap des 50.000 habitants d'ici dix ans. Cela passera notamment par la transformation du quartier de la gare, la Rive Droite, appelé à devenir une extension du centre-ville avec la création d'un parking-silo, de nombreux espaces de travail et de logements.

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Pour Pierre Cuny, Thionville "se suffit à elle-même". / © Thomas Toussaint / RTL

THIONVILLE, UN EXEMPLE IDÉAL DE LA VILLE MOYENNE?

À l'entendre, la deuxième ville de Moselle est tout sauf en train de devenir un gigantesque dortoir. Un qualificatif peu flatteur que de nombreuses communes voisines pourraient se voir affubler. "Thionville n'est pas un dortoir car on a l'avantage d'avoir un centre de ressources. Nous avons l'hôpital, des services publics, la vallée de la Fensch..."

Lui veut surtout voir dans cet apparent déséquilibre une force pour la commune. "Je ne suis pas fou. Thionville, c'est 50% de frontaliers et 50% de travailleurs locaux. Mais on a la Fensch, une vallée sidérurgique importante. Pour moi c'est extraordinaire" avance-t-il en se réjouissant de pouvoir s'appuyer sur "des frontaliers qui ont un très haut niveau de vie" et "des gens qui travaillent ici, dans l'industrie, les services à la personne..."

Proche de Luxembourg et de Metz, Thionville serait même devenue aujourd'hui le meilleur choix possible pour les citadins en quête d'espace"Il y a un engouement pour la vie dans les villes moyennes" glisse-t-il durant notre entretien. "Un choix fait pour être loin des gros centres, avec des quartiers avec une densité plus faible, des services de santé, des écoles, et de la garde d'enfants à proximité... Il y a de la place pour respirer."

"On a une zone commerciale, on redynamise le centre-ville. On a les loisirs à proximité, l'opéra, la Rockhal, on a l'université et l'hôpital... Thionville a cette chance." Côté promotion, pas de problème, le maire connaît bien sa ville. Il semble surtout avoir saisi l'importance de la proximité avec le Luxembourg, où ses administrés font carrière, et de Metz, avec laquelle il veut travailler. "Metz ne peut pas absorber Thionville avec la métropole, la commune se suffit déjà à elle-même." Les dix prochaines années pourraient alors bien révéler si Thionville est, oui ou non, le modèle de la ville de demain.