Pour ce deuxième numéro de Cosmopoly, la rédaction de RTL Infos et ses invités s'intéressent à la première communauté étrangère du pays : histoire, épreuves, discriminations, représentativité... Aucun sujet n'est tabou !
Comme toutes les histoires d'amour, celle qui lie les Luxembourgeois et les Portugais n'a pas toujours été un long fleuve tranquille. Pour raconter la construction de cette diaspora qui est devenue la première communauté étrangère du Grand-Duché, RTL Infos a convié dans son studio quatre de ses représentants.
Suzana Cascao est chercheuse au Liser mais et a longtemps étudié cette question en qualité de doctorante en histoire à l'Université de Luxembourg.
Liz Braz, qui à 28 ans, est la plus jeune élue à la Chambre des députés, est par ailleurs la fille de Félix Braz, qui a marqué l’histoire du pays en devenant le premier homme politique de premier plan issu de l’immigration portugaise. Félix Braz a notamment été ministre de la Justice à partir de 2013, et même Vice-Premier ministre, jusqu'en octobre 2019, quand, on le rappelle, il a été victime d’un infarctus qui l’a contraint à quitter la vie politique.
José Luis Correia est journaliste, écrivain et représentant syndical, officiant au département Communication et au département des Immigrés du syndicat OGBL.
Daniel Moutinho est un humoriste très populaire sur les réseaux sociaux notamment grâce à ses personnages : le désormais incontournable Joss Den Hellen, Bopi, Manuel… Le moins qu’on puisse dire, c’est que Daniel n'a pas peur de la "cancel culture" : perruques, fausse moustache, accents, clichés… toutes les communautés en prennent pour leur grade. L'humoriste fait également partie de la joyeuse équipe du Portugal Comedy Club, bientôt sur scène à la Rockhal.
De son côté, le journaliste de la rédaction de RTL Infos Romain Van Dyck s'est intéressé à l'exode des Portugais du Luxembourg vers les communes françaises frontalières.
Document officiel attestant l'accord signé en 1972 entre le Luxembourg et le Portugal pour encadrer l'immigration de travailleurs / © archives d'État
“On interdit aux enfants issus de familles portugaises de parler portugais dans la cour de certaines écoles”
Suzana Cascao nous a rappelé que cette immigration, démarrée dans les années 60, a été favorisée par un accord gouvernemental signé par les deux pays au début des années 70. S’appuyant notamment sur l’étude très complète d’Aline Schiltz, la chercheuse a évoqué l’évolution de cette immigration, marquée par l’arrivée de personnes hautement qualifiées à partir des années 2000. Parmi les sujets sensibles, Suzana Cascao n’a pas hésité à aborder les crispations autour de la langue : “On doit faire un triple effort. En 1982, 92% des primo-arrivants n’avaient que l’enseignement primaire [...] Ce n’est pas un manque de bonne volonté de ne pas apprendre le luxembourgeois, ces gens travaillent 10 heures par jour. On est dans une situation unique avec trois langues officielles. Ce multilinguisme impose des choses aux enfants lors de la scolarité, en particulier aux enfants immigrés [...] La stigmatisation existe encore. On interdit aux enfants issus de familles portugaises de parler portugais dans la cour de certaines écoles, mais pas aux francophones ou aux anglophones. Là, il y a de la stigmatisation.”
Dans un autre moment fort de l’émission, Liz Braz, qui au passage nous a donné des nouvelles réconfortantes de son père, et José Luis Correia se sont indignés du résultat du dernier scrutin impliquant les Portugais du Luxembourg, en l'occurence les élections législatives anticipées dans leur pays d'origine. Au Grand-Duché, Chega, considéré comme un parti d’extrême droite, a obtenu 31,27% des voix. Bien plus que le parti social-démocrate du Premier ministre (17,80%) et le parti socialiste (11,71%). La députée de 28 ans a jugé ce vote “inquiétant. D’un autre côté, c’est un phénomène qu’on retrouve un peu partout en Europe. Pour l’instant, le Luxembourg reste cette sorte de bulle où les effets se font sentir à retardement [...] Ça m’a rendue perplexe parce qu’on pourrait croire que les Portugais qui vivent ici ont quand même une qualité de vie supérieure à ceux qui habitent au Portugal.”
Quant à l’écrivain et ancien journaliste, il a trouvé ce résultat “choquant. Quelqu’un qui vote extrême droite mais qui habite au Luxembourg, qui bénéficie de toutes les aides sociales du Luxembourg, un pays de droite mais qui a beaucoup de mesures de gauche, je me dis : ou les gens n’ont rien compris, ou on leur a mal expliqué.”
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À lire sur le sujet :
Les Portugais du Luxembourg - Questions sur la transmission intergénérationnelle de la langue et de la culture d'origine de Sarah Vasco Correia (2013 - Collection de la Fondation Robert Krieps et du meilleur mémoire de Master 2)
La nouvelle immigration portugaise au Luxembourg d’Aline Schiltz (2018)
© Collection de la Fondation Robert Krieps