Le Festival d’Avignon, grand rendez-vous du théâtre français, bat son plein. Le Luxembourg et le Grand Est y sont bien représentés.

Comme presque chaque année, le mistral apporte un vent de fraicheur sur la Cité des Papes qui, par ailleurs, brûle de tous feux avec ses 1.600 spectacles, ses "tracteurs" qui distribuent leurs flyers en essayant de persuader le badaud que leur spectacle surpasse tous les autres, ses musiciens de rue et ses centaines de milliers de spectateurs communicatifs, qui se passent les tuyaux entre deux pièces, deux pizzas ou deux bières.

Et dans ce joyeux brouhaha, on trouve une troupe luxembourgeoise avec une pièce qui semble attirer du monde tous les midis. Il s’agit de "Révolte" de Alice Birch, dont le ton direct et les dialogues incisifs avaient convaincu le jury de sélection pour Avignon lors des représentations au Théâtre du Centaure l’an passé.

RTL

Sophie Langevin, signe la mise en scène de la pièce semble très satisfaite de l’accueil du public. Plus encore du passage de nombreux Luxembourgeois, dont les principaux responsables culturels, qui ont combiné la photo à Arles, la musique classique à Aix, et sont également venus voir Révolte.

Dans cette pièce, le dialogue se découd de plus en plus à sens unique et ne laisse pas le rôle le plus facile à la femme. Un texte de facture très contemporaine et sans doute à recommander surtout aux jeunes générations, auxquelles elle emprunte une grande partie de son langage.

RTL

Sophie Langevin

Le lieu des représentations est une antre confortable, situé à l’intérieur l’ancienne caserne des pompiers, rue Carreterie, non loin de la place des Carmes. Cet endroit est occupé par les spectacles de la région du Grand Est depuis des années et un accord a été trouvé avec le Luxembourg pour y intégrer en permanence notre spectacle annuel, ce qui évite de renouveler la recherche d’un nouveau théâtre d’année en année. Cette décision est, bien entendu, aussi applaudie par la metteuse en scène du Luxembourg.

RTL

DANS LE IN

Le programme officiel du In semble avoir décidé de miser sur les thématiques de l’Europe et de l’immigration. Deux spectacles ont été fortement applaudis ces derniers jours. En premier lieu le très lyrique "Sous d’autres cieux" d’après l’Énéide de Virgile, à laquelle la metteuse-en-scène Maëlle Poesy a donné un souffle très contemporain. Elle y souligne surtout les problèmes d’errance et de migration qui ne sont pas sans parallèle avec la problématique actuelle dans nombre de pays européens. Des pas de danse visiblement inspirés par son passage dans la troupe israélienne de Hofesh Schechter (en résidence au Grand Théâtre la saison écoulée), des trouvailles visuelles surprenantes et un jeu d’acteurs époustouflant, dont certains récitent dans leur langue natale du français à l’iranien, font de ce spectacle un moment inoubliable, même pour ceux qui sont moins portés sur les classiques.

Ensuite, dans la Cour du Lycée St Joseph, "Nous, l’Europe, Banquet des Peuples" mis en scène avec brio par Roland Auzet sur un texte de Laurent Gaudé. Une dizaine d’acteurs sur scène, parlant eux aussi plusieurs langues, quelques musiciens et un chœur de plus de quarante personnes, font le procès à l’Europe. Des crimes de guerre aux méfaits du colonialisme au Congo, tout y est passé au peigne fin, dans des tableaux très expressionnistes et sur de la musique qui va du classique au punk rock. En filigrane, on voit et revoit une femme-agent censée interroger les immigrés en demande de résidence, lesquels résistent peu à peu au flicage du questionnaire, l’agent devenant de plus en plus vulnérable et la proie du doute.

RTL

Un grand invité monte sur scène tous les soirs pour répondre aux questions des acteurs. Ce 14 juillet, ce fut Enrico Letta, ancien président du conseil des ministres italien, qui, loin des propos populistes d’un Salvini, eut une métaphore très émouvante sur un chercheur des années 2050, qui trouverait au fond de la mer méditerranéenne des restes de centaines de cadavres d’aujourd’hui, en se demandant comment cela fut possible alors qu’il n’y avait aucune guerre en Europe à cette époque. Il fut très applaudi et le public entama en chœur avec la troupe un "Hey Jude" bienvenu en fin de spectacle, avant ovation méritée. Rien que ces deux dernières pièces laissent conclure sur une édition 2019 réussie.