Diffusée en 2024, Dark Matter s’impose comme une œuvre de science-fiction émouvante et introspective. Plus qu’un thriller quantique, la série, qui va avoir droit à une saison 2, explore la mécanique intime des regrets, du choix amoureux et de cette tentation universelle: imaginer la vie qui aurait pu être.

Si l’on pouvait ouvrir une porte vers la vie qu’on n’a pas vécue, qui oserait y entrer? Dark Matter prend cette question au pied de la lettre et la transforme en vertige intime. Pas avec des explosions ni des paradoxes en cascades: avec un malaise sourd, un doute persistant, et cette sensation familière que le bonheur n'est jamais garanti, même dans les mondes où tout semblait “mieux”.

Jason est professeur de physique à Chicago. Marié à Daniela, père d’un adolescent, il mène une existence ordinaire, marquée par un amour réel, parfois froissé par le quotidien, et par une douleur sourde: la perte d’un deuxième enfant. Une vie imparfaite, fragile, mais profondément vécue. Jusqu’au soir où il est confronté à la version de lui-même qu’il n’a jamais été.

Son double, scientifique brillant ayant sacrifié l’amour au profit de la carrière, a découvert le moyen de voyager entre les réalités. Rongé par le regret, il décide de récupérer la vie qu’il pense mériter. Il assomme le Jason “prof”, l’envoie dans sa propre réalité aseptisée par le succès, et prend sa place auprès de Daniela et de leur fils. Un geste terriblement humain, mais moralement abyssal: voler non pas une identité, mais un passé, une intimité, une histoire.

Une idée simple et bouleversante: la vie parfaite n'existe pas

À partir de là, Dark Matter avance comme un thriller psychologique habité par le doute, l’effroi discret, et la beauté fragile des liens qu’on croit acquis. Chaque monde croisé devient une métaphore: de la solitude, du chaos, de la peur, ou de cette vie “presque parfaite” qui finit par révéler ses propres fissures. La mise en scène nocturne, élégante, presque contemplative, suit cette errance intérieure où chaque décision ouvre un univers parallèle.

Joel Edgerton surprend dans un rôle multiple tout en nuance, celui d'un homme ordinaire attaché à son foyer d'un côté, scientifique obsédé par la réussite de l'autre. Jennifer Connelly, magnétique, incarne une Daniela forte, intuitive, touchante, qui ressent les dissonances sans pouvoir les nommer. La série réussit ainsi son pari le plus ambitieux: rendre le multivers émotionnel, palpable, au lieu de théorique.

Au fil des épisodes, Dark Matter explore une idée simple et bouleversante: la vie parfaite n’existe pas. Pas plus que l’autre version de nous-mêmes ne serait nécessairement plus heureuse. À quoi bon fantasmer les chemins non empruntés quand ceux que l’on vit, imparfaits, sont peut-être précisément ce qui nous définit?

La dernière partie de saison, plus nerveuse, multiplie les Jason et joue avec les codes du thriller. Certains spectateurs pourront se sentir un instant déboussolés par les règles du multivers, explicitées sans insister lourdement. Mais la série ne cherche pas à piéger: elle interroge, elle inquiète, elle émeut. Et surtout, elle reste fidèle à son cœur battant: l’amour, la perte, les choix qui nous façonnent.

Et la suite?

Une saison 2 est déjà confirmée pour 2026. Joel Edgerton, qui incarne Jason, a donné un avant-goût de la direction prise: "La saison 2 de Dark Matter ausculte la responsabilité de la création et ses ramifications..."

Une promesse d’aller encore plus loin dans les conséquences morales et existentielles du multivers, au-delà du simple vertige des possibles.