
Le temps qui refuse de filer, les verrous qui claquent, les cris en continu: la détention "est un moment extraordinairement difficile, pour qui que ce soit", raconte à l'AFP Pierre Botton, qui a été détenu à la Santé, où Nicolas Sarkozy est attendu mardi.
L'ancien homme politique y a passé deux ans entre 2020 et 2022 après une condamnation notamment pour abus de biens sociaux: que l'on puisse évoquer un "Club Med'" ou un "quartier VIP" l'horripile.
Il était détenu dans le "QB4", une vingtaine de cellules réservées aux "personnes vulnérables". Nicolas Sarkozy ne devrait pas y être, le quartier de l'isolement paraissant plus probable pour assurer sa sécurité et prévenir toute fuite de photos ou d'informations.
Une fois l'entrée franchie, "on prend ton sac et on le met à la fouille", se souvient Pierre Botton. Les avocats ne sont plus là. Dans l'attente du placement sous écrou, l'arrivant est dans une cellule grillagée, équipée d'un banc étroit, face au greffe, sous les yeux des détenus extraits pour partir au tribunal, des escortes.
Ce regard pourrait être épargné à Nicolas Sarkozy, avec un greffe uniquement dédié à sa mise sous écrou, selon un gardien, expliquant que son statut et les nécessités de sécurité conduiront nécessairement à des adaptations.
Le prisonnier remet sa carte d'identité, ses empreintes sont relevées. Il se place sous la toise pour la photo avec le numéro d'écrou. Lui est remise une carte rouge et blanche à garder "tout le temps quand il est hors de la cellule" pour vérifier son identité.
Une autre carte lui permettra d'utiliser le téléphone mural de sa cellule: créditée de quelques euros, suffisants pour un court appel à des proches, elle devra ensuite être approvisionnée par le détenu. Ce dernier sera prévenu qu'il peut être enregistré. On ne pourra pas l'appeler.

La prison de la Santé. / © AFP
"La prison, ça hurle"
Au greffe, il "laisse toutes ses valeurs" et peut créditer son compte cantine pour améliorer l'ordinaire carcéral.
Formellement écroué, le nouvel arrivant est conduit dans une cabine, caillebotis au sol. "Un surveillant demande les affaires, de faire un tour sur soi-même", se souvient Pierre Botton, "tout est vérifié".
Une fois le détenu rhabillé, un surveillant vérifie en sa présence les effets qu'il emmènera dans sa cellule où, selon un gardien, un paquetage l'attend: linge de lit et de toilette, vaisselle et couverts, sous-vêtements, papier toilette.
Pour les détenus sensibles, une procédure de "blocage" est mise en œuvre: l'entrant ne croise aucun autre détenu jusqu'à la cellule de 9 m2, avec un lit et un bureau rivés au sol, une chaise en plastique, des étagères, une douche et des toilettes sans rabat, une plaque chauffante, un frigo et une télé (payants), un pêle-mêle en bois pour des photos.
Une fois la porte close, la réalité de la détention s'impose: "Des bruits tout le temps, les cris, les sirènes des voitures de police, le clac-clac des portes que l'on ferme". Difficile de s'évader dans la lecture. "La prison, ça hurle", insiste Pierre Botton, soulignant que les détenus, qui regardent les chaînes d'information en continu, sauront quand l'ancien chef de l'Etat sera dans les murs.
Le supplice du temps
A partir de 17H30, la "gamelle est servie". Pour les détenus à l'isolement, un fonctionnaire s'en charge. "A 19H00, c'est le moment chaud... Avec le bruit du verrou du haut, celui du bas et le double tour sur celui du milieu. Là, vous avec compris que vous êtes en taule".
Nicolas Sarkozy devrait éviter les quelques jours au quartier des arrivants, selon le gardien. Mais il sera soumis à la période d'évaluation pour jauger son état psychologique.
"La première nuit, on ne dort pas". Viennent le chuintement de l’œilleton ouvert "toutes les deux heures les premiers jours", la lumière allumée, la demande "de montrer qu'on est en vie" en levant la main par exemple...
A 07H00, le surveillant demande au détenu s'il a du courrier à envoyer, du linge sale, puis referme jusqu'à la promenade. Ceux qui sont à l'isolement la font seuls, dans une courette, une heure par jour.
Le rythme de la justice devient un supplice: un délai de trois semaines avant une décision, qui semble raisonnable à l'extérieur, est interminable, se souvient Pierre Botton:"Les matins ne passent pas, les après-midi ne passent pas, les nuits ne passent pas".