Des députés français travaillent sur un texte européen pour limiter les quotas d'approvisionnement de tabac à la consommation réelle de chaque pays. Un moyen de bloquer le trafic qui s'est développé aux frontières, où les cigarettes coûtent moins cher. Le Luxembourg est une des cibles de la France.

Des quotas d'approvisionnement en tabac dans chaque pays européen : c'est l'idée défendue par des députés français pour lutter contre le commerce parallèle, les associations anti-tabac continuant elles à plaider pour une fiscalité dissuasive.

"Le commerce parallèle de tabac représente à ce jour entre 14% et 17% de la consommation" en France, "minant l'efficacité des politiques de prévention, il génère un manque à gagner de 3 à 5 milliards pour la Sécurité sociale, en plus de susciter nuisance et insécurité autour des points de vente et lors des passages aux douanes", déplore dans une tribune publiée mercredi sur le site des Echos le député Frédéric Valletoux (Horizons).

"Seuls 12% des ventes de tabac au Luxembourg correspondent à une consommation locale réelle", fait-il valoir.

Outre des quotas de livraison alignés sur la consommation réelle dans chaque pays, l'ancien ministre de la Santé demande "une traçabilité publique et indépendante, permettant le suivi de chaque paquet depuis l'usine jusqu'au point de vente".

Une proposition de résolution européenne en ce sens a été adoptée au printemps par la commission des Affaires européennes et devrait être discutée "avant Noël" à l'Assemblée, a espéré Frédéric Valletoux lors d'une audition des associations anti-tabac et des fabricants de cigarettes mercredi.

Les vendeurs de tabac critiquent la fiscalité française

Les principaux fabricants de cigarettes ont pointé à l'unisson la politique fiscale de la France qui pousse selon eux les fumeurs à s'approvisionner ailleurs, ainsi que le tabac de contrefaçon.

"Dans un marché unique européen où il y a une libre circulation des personnes, (...) conditionner les fournitures aux distributeurs à la nationalité des consommateurs (...) serait contraire au droit européen", a défendu Stéphanie Martel, directrice des affaires externes de Philip Morris France.

"En France, le prix moyen d'un paquet est presque à 13 euros" contre 5 à 7 euros "en Espagne, Italie ou Luxembourg", a aussi pointé Sébastien Charbonneau de British American Tobacco France, qualifiant la fiscalité du pays d'une "des plus punitives d'Europe".

Marine Sauce, responsable des affaires réglementaires chez Japan Tobacco International, a souligné qu'"une cigarette sur deux est achetée en dehors du réseau des buralistes, dont 15% environ sont attribuables à la contrefaçon". "La France représente à elle seule 50% du commerce illicite de tabac", de l'UE, a-t-elle affirmé.

Ces données sont issues d'un rapport établi chaque année par KPMG à la demande de l'industrie du tabac, décriée par les associations anti-tabac et certains députés, Frédéric Valletoux parlant d'étude "à la méthodologie contestable".

L'Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT) estimait lui qu'en 2022, 80% du tabac consommé en France avait été acheté chez les buralistes et 15% de façon légale hors de France.

"La zone noire c'est 5%, dont 1% de vente à la sauvette dans la rue", a indiqué Loïc Josseran, président de l'Alliance contre le tabac (ACT). Pour lui, "les mesures réellement efficaces sont  extrêmement simples : la fiscalité (...) et le respect absolu de la vente aux mineurs".

Le vapotage bientôt davantage taxé ?

Les fabricants de cigarettes ont tous défendu une fiscalité différenciée pour les produits de la nicotine (vape, sachets de nicotine..), arguant que ces derniers peuvent aider au sevrage tabagique.

Mais certains députés poussent pour un alourdissement de la taxation des liquides de vapotage, dans un contexte de disette budgétaire.

Le rapporteur général du budget à l'Assemblée nationale, Charles de Courson a ainsi indiqué à l'AFP qu'il souhaitait instaurer une taxe de 15 centimes par ml sur les liquides de vapotage (soit 150€ par litre). Au Luxembourg, elle est de 12 centimes par ml (soit 120€ par litre) depuis le 1er octobre 2024.

"Ce sera dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale. On est une anomalie européenne, pratiquement tous les pays européens l’ont fait. D'ailleurs si on était intelligent on devrait taxer les recharges de e-cigarettes en fonction du taux de nicotine", souligne-t-il. "Et sur la cigarette arrêtons d'augmenter le prix. Comme on a les cigarettes les plus chères d'Europe, on a fait exploser le marché parallèle", estime-t-il.