Les finances publiques resteront déficitaires ces quatre prochaines années.
Le déficit de l'administration centrale, des communes et de la sécurité sociale devrait passer de 706 millions d’euros cette année à près de 1,3 milliard en 2029. C'est en particulier l'administration centrale, avec un déficit moyen de 1,5 milliard d’euros au cours des prochaines années, qui devrait contribuer à la détérioration des finances publiques. Tout cela figure dans le projet de budget pour l’année prochaine et dans le programme budgétaire pour les quatre années à venir. Le Conseil national des finances publiques (CNFP), dans son "évaluation des finances publiques" présentée mardi, a notamment constaté que deux points essentiels n’ont pas été pris en compte : la hausse des dépenses de défense et la réforme fiscale prévue.
Avec 2% du revenu national brut (RNB), les dépenses pour la défense devrait représenter l’an prochain près de 1,3 milliard d’euros. Cependant si les 5% prévus sont effectivement visés, le montant augmentera progressivement, de 190 millions d’euros supplémentaires en 2026 à 880 millions de plus en 2029. En prenant 3,5%, strictement consacrés à la défense, on atteint environ la moitié des dépenses supplémentaires. Cette année, les dépenses de défense n’ont d’ailleurs représenté que 1,3% du RNB, selon le CNFP. La réforme fiscale, qui prévoit la création d’une seule classe d’impôt, coûtera en moyenne 850 millions d’euros par an à l’État et aux communes.
Le fait que la réforme fiscale et l’effort de défense ne soient pas (encore) budgétisés est compréhensible, puisque les lois n’ont pas encore été votées, a expliqué le président du CNFP, Romain Bausch. Il a toutefois souligné que, même si l’économie enregistre une croissance, l’effort de défense augmentera également, puisqu’il est fixé en pourcentage de la richesse nationale. Concernant la réforme fiscale, elle doit en partie être compensée par le fait que 2,5 tranches d’index ne seront pas ajustées dans le barème (ce qui augmentera les recettes de l’État, ndlr). Ces ajustements n’ont toutefois pas encore été décidés et le non-ajustement ne changerait donc rien aux chiffres.
En résumé : les dépenses risquent d’être fortement sous-estimées et les recettes surestimées.
Salaires dans la fonction publique et retraites
La croissance économique restera faible dans les années à venir par rapport à ses niveaux historiques. L’emploi progressera moins que d’habitude. Le président du CNFP, Romain Bausch, a souligné qu’en 2023 et 2024, un nouvel emploi sur trois avait été créé dans la fonction publique, contre un sur dix entre 2011 et 2019. Il a également constaté que les dépenses salariales de l’État ont augmenté de 8 à 9% chaque année au cours des cinq dernières années. Non seulement en raison des recrutements et de l’accord salarial avec des hausses de salaires, mais aussi à cause de l’inflation et des ajustements du barème fiscal à celle-ci.
La charge budgétaire liée aux fonctionnaires sera toutefois partiellement limitée à l’avenir, car ceux engagés après 1999 ne percevront plus une pension équivalente à 5/6e de leur dernier salaire, mais, comme dans le secteur privé, une partie forfaitaire et une partie proportionnelle.
Les mesures concernant le système de pension, que le gouvernement a retenues après les consultations sociales – Romain Bausch a volontairement parlé de “mesures” et non de “réforme” – déchargeraient les finances publiques de 378 millions d’euros nets (des cotisations plus élevées entraînent aussi moins de recettes fiscales). Ce qui est évidemment insuffisant, mais devrait être un sujet avant les prochaines élections.
"Aucun élément de justice intergénérationnelle"
A propos des retraites, Romain Bausch a partagé le constat du journaliste du Tageblatt, Christian Müller, selon lequel, avec la hausse des cotisations, le modérateur de réajustement est repoussé, ce qui fait que les retraités actuels participeront encore moins aux efforts visant à rééquilibrer le système de pension, alors que les autres devront travailler plus longtemps.
Romain Bausch a ajouté : “Je compléterais encore un peu. L’augmentation des cotisations touche tous ceux qui travaillent aujourd’hui et demain, et les seuls qui ne sont concernés par aucune mesure sont les retraités. Ne dites pas que c’est le CNFP qui parle ici, hein ! Je dis qu’il n’y a aucun élément de justice intergénérationnelle là-dedans.”
Une bonne base de départ, même sans poire pour la soif
Petite consolation lors de la présentation du CNFP : quoi qu’il arrive, la dette publique restera en dessous de la barre des 30% du PIB dans quatre ans. Cependant, le service de la dette, c’est-à-dire les dépenses liées aux intérêts, s’élève désormais à 700 millions d’euros. Le Luxembourg reste un bon élève au niveau européen.
Le ministre des Finances, Gilles Roth, lorsqu’il était dans l’opposition, donc jusqu’en 2023, demandait toujours où était “la poire pour la soif”. Cette question est désormais posée par le Conseil national des finances publiques.
Où est la marge de manoeuvre pour faire face à un nouveau choc, ou pour le logement, le vieillissement de la population, ou encore la transition écologique et numérique ? Romain Bausch a toutefois voulu conclure son analyse avec un certain optimisme : le Luxembourg dispose d’une meilleure base de départ, même s’il ne veut pas dire par là que cela va bien pour tout le monde.