Début janvier, un trou géant est apparu à Villerupt (Meurthe-et-Moselle), à deux pas d'une maison, provoquant l'évacuation d'habitants et posant de nombreuses questions. Si l'enquête se poursuit, un rapport d'expert avance déjà plusieurs pistes.

C'est un trou gigantesque, de plusieurs mètres de large, à cheval entre le trottoir et l'allée d'une maison. La profondeur, elle, avait été estimée initialement à 2,5 mètres. Depuis, elle a facilement doublé, sachant que les experts n'excluent pas l'existence d'une cavité "cachée" bien plus large.

Bref, ce n'est pas rassurant pour les habitants de la rue François Raspail, à Villerupt, qui ont découvert le 2 janvier dernier ce trou géant à deux pas de leur maison. "On a peut-être évité un drame. Un voisin nous a raconté que le 1er janvier, il avait encore garé sa voiture à l'endroit où le trou est apparu le lendemain" nous explique le maire de la commune, Pierrick Spizak. Notons qu'une école (Paul Langevin) se trouve non loin de là.

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En rouge, le secteur où l'effondrement s'est produit en janvier. / © BRGM

Suite à l'effondrement, un périmètre de sécurité a été établi. La route est fermée à la circulation, les réseaux d'eau et de gaz ont été coupés. Les deux maisons les plus proches du trou, la numéro 18 et la numéro 16, sont inhabitables (la personne âgée qui habitait au 18 a été relogée, et la maison du 16 était déjà inhabitée au moment du sinistre). Cela fait bientôt deux mois que l'enquête se poursuit, et les premières conclusions avancent une cause "probablement naturelle".

Les ennuis ne sont probablement pas terminés

Nous avons obtenu le rapport publié le 10 février par le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM).

La conclusion du rapport est que "de nombreuses incertitudes subsistent sur la cavité, en particulier concernant son extension et sa géométrie, mais aussi sur le processus qui en est à l’origine. Il est jugé comme très probable que la situation continue à évoluer (présence de lézardes sur la chaussée, de terrains sous-cavés, etc.) provoquant un élargissement de l’effondrement mais aussi des tassements résiduels au niveau des parcelles concernées. La dynamique d’évolution pourrait être rapide, en particulier après de fortes précipitations." Bref, les ennuis ne sont peut-être pas terminés, surtout si la météo continue d'être exceptionnellement pluvieuse, comme ce fut le cas ces derniers mois.

Les experts n'ayant pas réussi à déterminer "la profondeur de la cavité souterraine à l’origine de l’effondrement", la stabilité des maisons 16 et 18 "n'est pas assurée", tout comme celle de la chaussée juste devant, "jugée comme dangereuse."

Sur les conseils du BRGM, un "bureau d’étude spécialisé en géotechnique a été sollicité afin de réaliser une expertise ponctuelle des risques". L’objectif de cette étude est de "déterminer la présence d’une cavité souterraine au niveau de la rue et des habitations concernées", et de "proposer des mesures adaptées pour combler ce trou. C'est important pour pouvoir rassurer les habitants, car je suis conscient que c'est une situation inquiétante, les voisins peuvent se demander si le trou va s'agrandir" rapporte le maire.

L'hypothèse de l'effondrement d'une cavité souterraine

L’hypothèse principale avancée dans le rapport du BRGM est que "l’effondrement résulte de la ruine partielle ou totale d’une cavité souterraine". Le BRGM rappelle que "Le secteur est situé sur un plateau calcaire (calcaires du Bajocien), pouvant localement comporter des cavités karstiques. Au vu du volume de terrains argileux effondrés et de l’emprise de la zone affaissée à proximité de l’effondrement, une cavité d’origine karstique s’étendant en partie sous la propriété des n°16 et 18 et sous la chaussée de la rue F. Raspail pourrait être à l’origine des désordres."

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Mais attention, la prudence reste de mise. "En l’état actuel des connaissances, il n’est pas possible de déterminer quel processus est en œuvre" précise le rapport, qui liste plusieurs pistes :

  • une « vidange » rapide d’une cavité comblée d’argiles suite à un phénomène pluvieux exceptionnel ou un important apport d’eau anthropique. Des pluies abondantes sont tombées dans le secteur ces derniers mois, conjuguées à des températures négatives les jours précédant l'effondrement.
  • un lessivage progressif et continu des argiles en profondeur, dû à des circulations d’eaux souterraines, créant un vide remontant vers la surface jusqu’à la rupture brutale de cette dernière. 
  • la rupture du toit d’une cavité située dans le calcaire et entrainant à sa suite l’ensemble des terrains la recouvrant, limons compris.

Des critiques sur les réseaux sociaux

Après l'apparition du trou, les rumeurs et critiques se sont multipliées sur les réseaux sociaux. L'une des critiques était de pointer du doigt le réseau d'eau vieillissant de la commune, qui serait sujet à des fuites conséquentes.

Il se trouve que justement que le rapport avance que le facteur déclenchant "semble être la fuite d’eau au niveau de l’habitation repérée par Veolia."

En effet, rappelle le maire, lorsque le trou est apparu, "des équipes de l'opérateur Veolia travaillaient déjà sur une fuite du réseau d'eau potable" qui avait été repérée dans le secteur. Mais, explique le maire, "Si Veolia n'était pas intervenu pour mettre le premier coup de pelle à cet endroit, on ne se serait pas forcément rendu compte de l'affaissement. La cavité existait déjà, donc l'intervention de Veolia a permis en quelque sorte de révéler le problème". Tout cela reste évidemment à prendre au conditionnel.

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De même, l'exploitation d'une carrière de calcaire dans la commune voisine d'Audun-le-Tiche est souvent pointée du doigt. Le maire de Villerupt tient à nuancer : "Je n'ai jamais dit que c'était la carrière qui avait provoqué l'affaissement, je n'accuse pas la carrière. Je pose juste la question de savoir si cette exploitation, en particulier les explosions utilisées pour extraire le calcaire, ont pu provoquer des vibrations qui ont accéléré l'affaissement qui existait déjà ici. Mais ça, ce sont les techniciens qui pourront répondre, pas moi."

Le maire conclut en précisant que "le dossier de reconnaissance en état de catastrophe naturel a été déposé rapidement, on attend la confirmation, et si c'est le cas, cela confirmera que c'est bien un phénomène naturel" qui a provoqué cet effondrement.

Il faut rappeler le passé minier et les nombreuses galeries qui subsistent sous cette commune frontalière. Ce n'est d'ailleurs pas le premier effondrement qui survient à Villerupt : "En 2020, il y avait déjà eu un effondrement rue Emile Zola. Et il y en avait eu début des années 2010, près de la résidence Robespierre" se souvient le maire. Et dans ce même secteur, "dans les années70, une maison s'était carrément effondrée".