Dans notre société, le sexe reste un sujet compliqué à aborder. La sexologue Laura Hendriks, elle, a fait de la santé et du bien-être sexuel son métier. Rencontre.

Laura Hendriks a son propre cabinet de sexologie à Luxembourg-ville depuis environ huit ans. Elle y accueille des personnes seules ou des couples qui traversent des périodes plus compliquées dans leur relation ou leur sexualité afin de leur proposer des thérapies pour solutionner le problème. Elle partage les expériences vécues dans un cadre confidentiel et sans jugement: impuissance, libido, problèmes de communication, tout y passe.

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© Sarah Cames / RTL

La sexualité n'a jamais été un sujet tabou pour Laura Hendriks: "j'ai grandi dans une famille baignée dans le milieu médical où le corps n'a jamais été une question de honte. Il s'agit d'un corps qui fonctionne et un esprit qui doit fonctionner, nous pouvions parler de tout. Il ne faut pas être coincé si on veut faire carrière dans ce domaine".

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Elle reçoit tous types de personnes, d'âges différents, qui vivent leur relation à leur manière mais les problèmes rencontrés sont souvent les mêmes: "en général ils viennent me voir pour des problèmes de dysfonctionnement sexuel. Ce n'est pas une maladie, c'est juste que leur fonctionnement sexuel dans la relation ne correspond par à leurs souhaits".

Chez les hommes, il s'agit souvent des problèmes classiques d'érection ou d'éjaculation, chez les femmes on va plutôt parler de douleurs lors de la pénétration. L'orgasme ou l'envie d'avoir des rapports sexuels est un sujet qui occupe les deux genres. Certaines personnes viennent consulter car elles se posent des questions concernant leur propre orientation sexuelle ou parce qu'elles ne savent pas comment gérer leur identité sexuelle.

Qu'est-ce qui est "normal" ?

La société entretient une relation paradoxale avec la sexualité. D'un côté, c'est tabou, mais de l'autre, nous vivons une période d'hypersexualisation. Alors que l'on arrive à en parler ou à en rire, les gens ont plus de mal à partager leurs problèmes liés à la sexualité. Cela implique donc un manque de points de référence qui pourraient définir une "sexualité normale".

"Les gens pensent souvent qu'ils sont bizarres. J'entends souvent des femmes qui ont honte parce qu'elles ont envie de sexe. Elles pensent que ce n'est pas normal d'avoir parfois plus envie que leur partenaire. Mais la libido n'est pas si différente que ça entre les femmes et les hommes, alors que les stéréotypes sociétaux veulent nous faire croire le contraire. Comme elles n'en parlent pas, elles se comparent aux croyances qui sont fondées sur rien", déplore la sexologue.

Afin de pouvoir analyser la "norme", Laura Hendriks analyse comment les couples heureux fonctionnent: "si l'on regarde la réalité, et que l'on prend ce que les gens font qui se disent satisfaits, ils ont en moyenne une à deux fois des moments d'intimité physique par semaine. À quoi ces moments peuvent ressembler, tout dépend des personnes concernées, on ne doit pas s'imposer la totale à chaque fois".

En ce qui concerne justement "la totale", la durée moyenne de la pénétration est comprise entre 5 et 8 minutes: "ce n'est pas rien, mais cela est très loin de ce à quoi s'attendent les gens, ce qui provoque une grosse pression chez eux". En matière de masturbation, en règle générale, les gens vivent un orgasme entre 3 et 5 fois par semaine, seul ou à deux.

Tous ces éléments ne doivent cependant pas être considérés comme une liste de points à cocher, tout comme l'idée de partager chaque aspect de sa sexualité avec son partenaire est un peu idéaliste: "nous ne partageons pas notre vie avec un miroir, donc il faut un peu de tolérance vis-à-vis de sa ou son partenaire".

Les patients de la sexologue ne sont d'ailleurs pas toujours intéressés de concrétiser leurs fantasmes: "le plan à 3 est le fantasme numéro un chez les hommes comme chez les femmes, mais ils sont peu nombreux à vouloir passer à l'acte dans leur relation". Alors que l'idée provoque une certaine excitation, la réalisation du fantasme pourrait provoquer certaines conséquences: "les gens se disent que s'ils ouvrent leur couple, il y a des risques, alors que maintenir le fantasme à son niveau de fantasme peut également les protéger".

Il n'y a pas que le sexe dans la vie

La sexologue est également présente dans d'autres aspects de la vie de couple en dehors de la chambre à coucher: "je dis toujours aux gens qu'il faut continuer à sortir ensemble, même s'ils sont dans une relation, il est bénéfique de prendre le temps pour se retrouver ensemble au moins une fois par mois. Même si on a des enfants, et même si on travaille beaucoup, ou pas justement. Les petits gestes du quotidien, un petit bisou volé, ou se prendre de temps en temps par la main, font toute la différence sur le long terme".

Laura Hendriks vient également en aide à certaines familles, afin de surmonter des périodes plus difficiles: "la phase de transition du couple vers la famille, c'est un sujet qui revient assez souvent. De deux on passe à trois, on est fatigué, comment trouver un nouvel équilibre?"

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"La relation et la sexualité demandent une énorme maîtrise et reconnaissance de ses émotions, la connaissance de ses limites, la faculté de pouvoir en parler ainsi que la volonté d'imposer ses propres règles, sans devoir se soucier de la réaction de l'autre. Cela paraît facile, mais en réalité, c'est assez complexe", explique Laura Hendriks.

Même si l'aspect tabou du sexe devait disparaître un jour, certaines problématiques subsisteraient. Il faut toujours laisser de la place à l'éducation, selon la sexologue: "les mathématiques ne sont pas tabou, mais pourtant il faut bien les apprendre, il faudrait arriver à faire pareil avec le sexe".