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Le glacier de la Tête Rousse fait partie de la "petite poignée" de glaciers considérés comme potentiellement dangereux et surveillés de très près par les scientifiques.
Mercredi 28 mai l’effondrement d’un glacier dans les Alpes suisses a détruit le petit village de Blatten. Mais il existe de nombreux glaciers considérés comme dangereux pour les populations installées en aval.
La fonte accélérée des glaciers sous l'effet du réchauffement climatique se traduit par l'apparition de nouveaux lacs dont certains peuvent menacer des vies humaines en aval, notamment dans les Alpes où les autorités tentent de contenir le risque.
La Suisse, la France et l'Italie ont, depuis plusieurs années, mis en place des services chargés d'inventorier et évaluer les risques sur des centaines de glaciers.
En France, où ce travail est conduit par le service Restauration des terrains de montagne (RTM) de l'Office national des forêts (ONF), les territoires les plus concernés sont les massifs du Mont-Blanc, de la Vanoise et des Ecrins.
Sous la glace, la menace
Une "petite dizaine" de glaciers français sont actuellement sous surveillance rapprochée ou ont fait l'objet d'interventions humaines pour assurer la sécurité des habitants en aval, selon Olivier Gagliardini, glaciologue à l'Institut des Géosciences de l'Environnement (IGE) à Grenoble. Et parmi-eux, le glacier de la Tête Rousse n'est qu'un tout petit glacier, à peine visible sous la neige. Il est pourtant à l'origine d'une catastrophe meurtrière en 1892, et est depuis l'un des plus surveillés des Alpes françaises.
Situé à presque 3.200 mètres d'altitude sur la "voie royale" conduisant au toit de l'Europe, il ne mesure que quelques centaines de mètres pour 65 mètres d'épaisseur et fait donc plutôt pâle figure par rapport aux majestueux géants de la vallée de Chamonix comme la Mer de Glace ou Argentière. Mais Tête Rousse, à l'instar du Taconnaz voisin, fait partie des glaciers considérés comme potentiellement dangereux et il menace la vallée.
La France compte quelque 550 glaciers (pour environ 200.000 à l'échelle mondiale) dont certains sont "amenés à disparaître ou à s'effondrer" en raison du réchauffement climatique.
Il a déjà tué 200 personnes
Le glacier de la Tête Rousse surplombe directement la commune de Saint-Gervais-les-Bains, quelque 2.000 mètres plus bas, notamment la zone du Fayet où se situent les thermes de la ville.
C'est là qu'une avalanche de liquide et de débris rocheux provoquée par la rupture d'une grande poche d'eau a tout détruit sur son passage en 1892, tuant environ 200 personnes.

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Une catastrophe similaire a été évitée de justesse en 2010 lorsqu'une nouvelle poche d'eau de quelque 55.000 mètres cubes a été détectée au sein de Tête Rousse. Sous pression, elle menaçait cette fois quelque 3.000 personnes en contrebas.
Les pouvoirs publics, alertés par les scientifiques, ont organisé un pompage en urgence. Mais la nappe s'est reformée l'année suivante, puis en 2012, entraînant de nouvelles et coûteuses vidanges.
Aujourd'hui, le danger est moins prégnant mais le glacier, bardé de piézomètres pour mesurer la pression, scruté au radar et par résonance magnétique des protons, reste sous haute surveillance, d'autant qu'une autre cavité a été repérée dans sa partie haute.
Les inondations violentes issues des lacs glaciaires formés ou élargis par le changement climatique menacent au moins 15 millions de personnes dans le monde, estime une étude parue en 2023 dans Nature Communications.