Depuis peu, Israël a à nouveau autorisé l'acheminement d’aide humanitaire dans la bande de Gaza. Mais qu’en est-il de la situation humanitaire dans ce territoire palestinien?

L'attaque sanglante du 7 octobre 2023 menée par le Hamas en Israël a déclenché une guerre dans la bande de Gaza, qui a déjà coûté la vie à plus de 50.000 civils palestiniens. La situation humanitaire s’est à nouveau dramatiquement détériorée ces dernières semaines, aucune aide n’ayant été autorisée à entrer dans la bande de Gaza. Depuis peu, l'acheminement d'aide humanitaire est à nouveau autorisé.

Les journalistes de RTL Marc Hoscheid et Marie Gales, ainsi que Paul Heber de l'UNICEF, évoquent la situation humanitaire dans ce territoire palestinien.

Marie Gales: Qu'apportent ces nouvelles livraisons d'aides à Gaza?

Marc Hoscheid: D’une part, les organisations humanitaires se réjouissent bien sûr de toutes les marchandises qui entrent désormais dans la zone de crise, mais d’autre part, elles en parlent aussi comme d’une goutte d’eau dans l’océan. En fait, il faudrait entre 500 et 600 camions par jour, actuellement, il s'agit d'une centaine.

J'ai discuté mardi matin avec Paul Heber, responsable de la communication chez UNICEF Luxembourg. Il évoque une catastrophe. L'UNICEF à environ 116.000 tonnes de nourriture stockées sur place, mais elles sont seulement acheminées au compte-gouttes à Gaza, de sorte que le risque de famine est très grand, surtout parmi les enfants. Concernant l'accusation selon laquelle le Hamas vendrait une grande partie de l'aide humanitaire au marché noir, Paul Heber ne peut pas la confirmer. Il est toutefois clair que si le désespoir s’ajoute à la faim, il devient plus difficile de distribuer correctement la nourriture. Mais selon Paul Heber, il faut aussi parler de l'aspect médical:

"Mais si on y réfléchit un peu plus en détail, il faut aussi dire que même si maintenant, par exemple, nous pouvons faire entrer la nourriture nécessaire pour aider ces enfants, il y a aussi l'aspect médical, ces enfants sont à présent dénutris, nous n'avons pas seulement besoin de nourriture normale, nous avons besoin d'une aide spécifique pour ces enfants, c'est une approche différente, une nutrition différente. Et nous en avons besoin sur six à huit semaines, ce qui signifie que si nous entrons juste quelques fois avec quelques camions, cela ne nous apportera rien."

Mi-mai, la dernière clinique de la bande de Gaza où les patients atteints de cancer pouvaient être soignés, a fermé. La clinique Nasser à Khan Younès est le dernier hôpital qui fonctionne dans la bande de Gaza.

Marie Gales: Israël a récemment annoncé vouloir placer sous son propre contrôle la majeure partie de la bande de Gaza. Qu’est-ce que cela signifie pour le travail des organisations humanitaires?

Marc Hoscheid: En tout cas, rien de bon. Actuellement Israël contrôle environ 40% de la bande de Gaza. Il est prévu d'atteindre 75% dans deux mois. Pour atteindre cet objectif, il faudra déplacer de nombreuses personnes, ce qui aura des conséquences négatives. Paul Heber a aussi déclaré ceci :

"Chaque flux de personnes qui fuient, qui doivent partir parce que c'est trop dangereux, contribue bien sûr à ce que nous ne sachions pas où se trouvent les enfants que nous devons aider. Cela signifie que cela rend tout plus chaotique, cela rend beaucoup plus difficile de fournir l’aide aux enfants. Cela signifie que c’est certainement quelque chose que nous n’accueillons pas favorablement que des personnes doivent fuir leur maison. C’est quelque chose dont nous avons dit dès le début de la crise, que cela ne devait pas se produire."

Si Israël applique ses plans, cela signifiera qu’ensuite environ deux millions de personnes vivront sur 90 kilomètres carrés. À titre de comparaison, au Luxembourg, quelque 700.000 personnes vivent sur environ 2.500 kilomètres carrés.

Marie Gales: On a aussi appris qu’une nouvelle fondation participe à l'acheminement de l'aide. Comment les organisations humanitaires accueillent-elles cette situation?

Marc Hoscheid: Au mieux, avec scepticisme voire très négativement. La fondation s'appelle "Gaza Humanitarian Foundation", elle a été fondée par les États-Unis et est enregistrée en Suisse. Ce qui est particulier, c'est que la fondation charge des entreprises privées d'apporter l'aide humanitaire à quatre endroits dans la bande de Gaza, où les gens doivent ensuite aller la chercher. Caritas International a déjà critiqué ce concept et a averti qu’un travail indépendant n'est pas possible ainsi.

Paul Heber ne veut pas en surestimer l’impact sur son propre travail:

"A l'UNICEF, nous sommes habitués à tout faire nous-mêmes de A à Z. C'est une recette éprouvée qui nous permet de tout contrôler. Ce n’est pas différent ici. Cela signifie qu'en ce qui concerne le système parallèle, je ne peux pas m'exprimer à ce propos, sauf pour dire qu’il est important pour nous que les gens comprennent que nous sommes sur place. Il est simplement important pour nous, quel que soit le système, que la faim ne soit pas utilisée comme une autre arme de guerre."

On ne sait pas encore exactement comment voudra travailler la nouvelle entité, nous garderons donc les yeux ouverts. Mais quoi qu’il en soit, l’UNICEF va poursuivre son travail. UNICEF Luxembourg compte actuellement quelques douzaines de collaborateurs sur place, mais ce nombre pourrait augmenter rapidement si l'accès à la bande de Gaza s'améliore. C’est pourquoi un cessez-le-feu est nécessaire avant tout.