Les présidents de l'OGBL à Luxembourg-Ville et du LCGB à Remich ont dénoncé ce 1er mai les "violentes attaques" du gouvernement et du patronat. Affichant une unité "historique", ils ont appelé leurs troupes à descendre dans la rue le 28 juin.
Le gouvernement CSV-DP de Luc Frieden et l'UEL, l'association faîtière des organisations patronales au Luxembourg, sont prévenus. Ils ont face à eux deux syndicats décidés et... soudés. Formant un "front syndical plus fort que jamais", a lancé ce jeudi 1er mai, Nora Back, présidente nationale de l'OGBL, à ses troupes réunies en nombre sous le soleil et le clocher de l'abbaye Neumünster dans le Grund à Luxembourg.

Nora Back prononce son discours au Grund le 1er mai 2025 / © Maurice Fick / RTL
Face à la politique sociale, économique, et jugée propatronale, du gouvernement Frieden, les deux principaux syndicats luxembourgeois font cause commune et ils l'affichent. "C'est la première fois dans l’histoire de nos organisations que nous nous saluons dans nos discours et que nous sommes unis. C'est historique!", a lancé Nora Back à la tribune. Avant de dire que "nous pouvons tous être fiers aujourd’hui, qu'ensemble dans notre front syndical, nous sommes plus forts que jamais".
C'est même au nom de ce front syndical, que Patrick Dury, président national du LCGB, a appelé ses troupes rassemblées à Remich, "à la mobilisation et à l'engagement en faveur de notre modèle social", car "solidarité et engagement" sont la base du travail syndical, mais aussi les "bonnes réponses aux défis actuels".
Maintien des salaires, droits à la retraite aux conditions luxembourgeoises, traitement égalitaire de tous les salariés, - résidents ou frontaliers-, flexibilisation des horaires de travail, ouvertures dominicales des commerces, soutien des 150 salariés de Liberty Steel... des défis nombreux dont l'énumération a nourri le "ventre" des discours prononcés de part et d'autre.
Les replaçant dans un contexte de démocraties européennes déstabilisées aussi bien par "la montée des extrêmes droites", "la guerre d'agression de Poutine" et "la guerre des taxes douanières de Trump", Patrick Dury a, comme son homologue de l'OGBL, discouru sur l'attaque du gouvernement contre le droit des syndicats de négocier et signer les conventions collectives. A ses yeux, "le gouvernement se révèle être le fossoyeur de notre modèle social!"
"Et que fait notre gouvernement?", interroge au pupitre Nora Back. Avant de répondre: "Il veut empirer la loi sur les conventions collectives", alors que négocier les conventions collectives "c'est notre cœur de métier", "nous en signons une centaine par an".
Pour Patrick Dury, le gouvernement CSV-DP "a opéré un changement de paradigme, c'est-à-dire un changement fondamental des valeurs sociales". Pas de doute, "c'est devenu visible comment le gouvernement s'oppose à la politique sociale des syndicats". Pire il les "dénigre, les décrit comme arriérés, une "quantité négligeable"". Au premier rang, le Premier ministre Luc Frieden, fronçait les sourcils.
C'est clairement pour le n°1 du syndicat chrétien -historiquement favorable aux idées du CSV- une "attaque contre notre modèle social" qui est pourtant "unique et super moderne en Europe, qui fonctionne depuis près de 50 ans et nous a permis de traverser toutes les crises", a-t-il clamé à la tribune de Remich. Rappelant que le fameux modèle social de la discussion tripartite "repose sur la recherche d'un accord à travailler dans une certaine direction pour parvenir à un résultat dans le consensus".
Il égratigne au passage la ministre de la Sécurité sociale, Martine Deprez, sur le dossier de plus en plus ardent de la réforme des retraites, prenant soin de ne pas la nommer: "Au lieu de négociations au format tripartite, la ministre fait son show", balance Dury sous la tente surchauffée. Aux propositions faites par les syndicats de renforcer le système de retraite par de nouvelles recettes, "nous n'obtenons aucune réponse, si ce n'est que cela ne doit rien coûter".
"Le modèle social luxembourgeois aujourd'hui c'est: Les patrons et le PDG décident", martèle Nora Back. Alors que "nous travaillons jour après jour, que ce soit dans les soins, la construction, les magasins, dans les usines, les écoles, les banques et dans les bureaux. Notre qualité de vie, nos nerfs et dans une certaine mesure notre santé y passent", énumère la président de l'OGBL, avant de lancer: "Et malgré cela nous entendons: "Soyez satisfaits. Soyez reconnaissants. Le droit du travail est trop flexible. Vos salaires sont bien trop élevés. Vous ne travaillez pas assez. Vos pensions sont trop élevées. Vous êtes malade bien trop souvent"".
Regardant la foule des militants pendue à ses lèvres, Nora Back lance: "Non! Ça suffit ! Stop à cette politique gouvernementale !" Réclamant, en tant que leader syndical, davantage de démocratie, de justice sociale et de solidarité. Le leitmotiv de tout son discours est l'appel à la mobilisation: "Le 28 juin nous manifesterons dans la rue".
Elle se fait même un brin menaçante sur la question de l'ouverture dominicale des commerces entre 5h et 22h décidée unilatéralement par le gouvernement "sans sourciller" et ce malgré "les argument contraires de l'OGBL et du LCGB". Et elle lance aux ministres, en les nommant: "Monsieur Frieden, Monsieur Delles et Monsieur Mischo, nous vous exhortons sans équivoque: Retirez ce projet de loi anti-salarial'. Car "aussi longtemps qu'il sera sur la table, nous nous défendrons".
Son discours va crescendo dans l'argumentation des raisons de la colère qui mène à la manifestation: la flexibilisation "à gogo" des horaires de travail, le besoin d'une meilleure protection contre le licenciement dans les entreprises, le droit de grève remis en cause, etc. "Nous sommes prêts à aller jusqu'au bout", à plusieurs fois martelé la présidente de l'OGBL, c'est-à-dire "jusqu'à la grève générale".
Tandis que Patrick Dury du LCGB a défendu la nécessité de l’Europe de défendre sa souveraineté et sa démocratie en s'équipant militairement, Nora Back de l'OGBL a glissé "nous sommes toujours pour la paix et la diplomatie" et "évidemment pour une Europe souveraine". Mais pas à n'importe quelles conditions au Luxembourg: "Nous ne tolérerons pas qu’un seul euro soit retiré aux travailleurs et à leurs familles pour enrichir les entreprises d'armement privées !"