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Le trouble affectif saisonnier (TAS) touche des millions de personnes dans le monde, mais le terme "dépression saisonnière" est souvent utilisé à la légère, ce qui masque la gravité de cette maladie cliniquement reconnue.
Nous connaissons tous cela : les jours raccourcissent, la nuit tombe plus tôt et l’air devient plus froid. Chaque mois de novembre, les recherches Google pour "dépression saisonnière" atteignent un pic, les gens cherchant à comprendre ce que leur corps traverse, en quête de réponses et de remèdes.
Emilie Senez, psychologue clinicienne à la Ligue Santé Mentale, explique que le trouble affectif saisonnier (TAS) est une forme clinique de dépression, et non une simple baisse d’énergie. Comme elle le souligne : "Ce n’est pas juste un petit coup de mou, c’est une dépression avec des symptômes assez sévères."
Alors que beaucoup d’entre nous ressentent une baisse temporaire de moral et d’énergie — parfois appelée blues hivernal —, seul un faible pourcentage de la population souffre réellement du TAS. Selon Mme Senez, "les personnes touchées par la dépression saisonnière ne parviennent plus à fonctionner normalement. Il leur devient difficile de se lever le matin et d’accomplir les tâches du quotidien."
Le TAS s’accompagne de symptômes graves, similaires à ceux des épisodes dépressifs classiques, mais déclenchés par les changements de saison et la diminution de la lumière naturelle, ce qui affecte la chimie du cerveau et dérègle notre horloge interne. Emilie Senez explique que ce manque de lumière amène notre corps à produire davantage de mélatonine qu’en été, ce qui provoque une grande fatigue. Dans le même temps, le taux de sérotonine chute, déréglant encore davantage notre humeur.
Elle ajoute que les symptômes peuvent inclure "tristesse, perte d’intérêt, hypersomnie — c’est-à-dire dormir beaucoup — et fatigue extrême". D’autres signes possibles sont des difficultés de concentration et une augmentation de l’appétit, car "le corps réclame beaucoup de glucides pour compenser la fatigue".
Certaines personnes sont plus vulnérables que d’autres : "Cela peut être lié à l’histoire personnelle, familiale, et malheureusement, aussi au fait d’être une femme", explique-t-elle, évoquant des recherches montrant que les femmes sont plus susceptibles que les hommes de souffrir de dépression saisonnière.
La latitude joue également un rôle : "Plus on vit au nord, plus les journées deviennent sombres", note-t-elle. Le Luxembourg, par exemple, se classe 25ᵉ sur l’indice WellnessPulse de la dépression saisonnière, ce qui indique que les habitants du Grand-Duché sont plus susceptibles d’en souffrir que ceux de pays comme l’Ukraine ou même la Pologne.
Prévention et traitements
Emilie Senez met en avant deux approches essentielles pour soutenir les personnes souffrant de TAS : la thérapie cognitivo-comportementale et la luminothérapie. La thérapie cognitivo-comportementale aide à développer des stratégies pour réduire l’impact des changements saisonniers sur le bien-être, en particulier chez les personnes les plus sensibles au TAS. "Il s’agit de développer des pensées plus fonctionnelles pour le patient", explique-t-elle. Grâce à cette thérapie, les patients peuvent acquérir des outils pour mieux traverser les mois difficiles, en reconnaissant qu’il existe, même en hiver, des activités et des traitements efficaces.
La luminothérapie, quant à elle, est une méthode peu coûteuse et particulièrement efficace pour soutenir nos rythmes biologiques perturbés par les changements saisonniers. "L’idée est de commencer dès le début de l’automne, pas d’attendre que la personne s’effondre", conseille Mme Senez.
Sandy Domingues, psychologue au Centre Hospitalier Emile Mayrisch (CHEM), souligne elle aussi l’efficacité de la luminothérapie : "C’est une méthode que l’on peut utiliser de façon préventive, mais aussi en cas de TAS déjà installé. Elle est très pratique, peu coûteuse — on achète la lampe une fois et on la garde."
Les lampes de luminothérapie, même bon marché, peuvent faire une réelle différence. "Une lampe ordinaire n’aura pas le même effet : il ne s’agit pas seulement d’émettre une lumière chaude, elle doit aussi être suffisamment intense", précise la psychologue. Une lampe efficace doit produire environ 10 000 lux, l’unité qui mesure la quantité de lumière reçue par une surface. Elle recommande également les lampes portables, faciles à utiliser dans toute la maison pour s’assurer d’une exposition suffisante.
"Il faut l’utiliser le matin, entre 20 et 30 minutes chaque jour", explique-t-elle. "Cela trompe le corps en lui apportant ce qu’il ne reçoit plus : la lumière." Elle ajoute qu’on peut laisser la lampe allumée tout en effectuant d’autres tâches, afin de s’exposer sans effort supplémentaire.
Suppléments, sport et vie sociale
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Sandy Domingues insiste sur l’importance de rester actif pendant les mois d’hiver : "Je recommande beaucoup de mouvement. On a tendance à en faire moins à cette période, mais l’activité physique est un vrai facteur protecteur."
Senez souligne également les bienfaits du sport : "Des études montrent que pratiquer une activité physique deux à trois heures par semaine peut réduire le risque de dépression de 20 à 30 %." Elle précise que cela n’a pas besoin d’être intense :"Cela peut être de la marche, du vélo, ou simplement bouger à son rythme, mais bouger est essentiel."
Concernant les suppléments, Mme Senez note que les études n’ont pas prouvé que la vitamine D améliore l'état de santé d'une personne déjà malade, bien qu’elle soit bénéfique en cas de carence : "S’il y a une carence, cela peut aggraver les symptômes dépressifs. Mais chez quelqu’un qui n’en manque pas, la vitamine D n’a absolument aucun effet."