
Le Premier ministre portugais Antonio Costa s'exprimant devant le Parlement portugais le 26 novembre 2015 / © AFP/Archives
Quand cet étrange ménage à trois a accédé au pouvoir le 26 novembre 2015 au Portugal, personne ne misait sur sa pérennité. Un an après, l'alliance entre les socialistes, les communistes et le Bloc de gauche est toujours en place et aucun divorce ne semble en vue.
Malgré sa défaite aux élections législatives d'octobre 2015 face à la droite, arrivée en tête du scrutin, le Parti socialiste est parvenu in extremis à former un gouvernement, grâce au soutien inédit au Parlement de la gauche radicale.

Le Portugal était le 3ème pays le plus endetté de la zone euro en 2015, avec 126% du PIB, ratio passé à 133% en 2016 / © AFP/Archives
"Trois mois avant les élections, nous étions encore les pires adversaires. Désormais, nous sommes confiants d'arriver au terme de notre mandat en 2019", commente la secrétaire d'Etat à l'Europe, Margarida Marques.
Elucider le lien entre le PS et le PCP, le parti communiste le plus orthodoxe d'Europe, n'est pas tâche aisée: "Après la Révolution des oeillets en 1974, il fallait expliquer pourquoi le PCP était notre ennemi, et maintenant, il s'agit de convaincre du contraire", sourit-elle.
La perspective d'un gouvernement socialiste appuyé par des alliés anti-austérité avait suscité des inquiétudes en Europe, un an et demi après la sortie du Portugal de son plan de sauvetage international.
- 'Machin bringuebalant' -
"Ce mariage contre nature qui a uni des partis pro et anti-européens semblait voué à l'échec. Finalement, la relation s'avère stable car les alliés du PS ont dû se résigner à accepter les règles européennes", estime le politologue José Antonio Passos Palmeira.
Pourtant, "personne n'a avalé de couleuvres", affirme le Premier ministre Antonio Costa: "Le PCP n'a pas dû adhérer à l'euro ou le Bloc de gauche se convertir au traité budgétaire. Et le PS est resté le chantre de l'intégration européenne".
Fin négociateur, l'ancien maire de Lisbonne a résolu la quadrature du cercle: il a réussi à rassurer la Commission européenne sur son engagement à juguler les déficits, sans pour autant s'aliéner ses alliés de la gauche radicale.
Pour lui, il n'y a pas de doute: le Portugal va mieux depuis que la "geringonça" est aux manettes, ce "machin bringuebalant", le surnom donné par la droite à l'alliance au pouvoir. "Le pays respire la tranquillité", relève-t-il.
Sanctions européennes évitées, déficit au plus bas depuis plus de 40 ans (2,4% du PIB), chômage à 10,5%, croissance retrouvée au troisième trimestre (0,8%): le bilan semble flatteur, mais la dette continue à enfler, les taux d'emprunt grimpent, les banques restent fragiles et les investisseurs réticents.
"Personne ne veut investir quand on sait que c'est le Bloc de gauche et le PCP qui font la loi au sein du gouvernement", assure l'ancien Premier ministre de centre droit Pedro Passos Coelho.
- Sondages favorables -
Et les Portugais tardent à ressentir les effets de cette embellie encore fragile.
"Le gouvernement prend des mesures populistes qui ne règlent pas les problèmes, ma vie au quotidien ne s'est pas améliorée. L'austérité est toujours présente", témoigne Paulo Tomé, un cadre administratif de 37 ans.
"La situation du pays est meilleure, mais la mienne n'a pas changé. Certains impôts baissent, d'autres augmentent. Ce sont des taxes plus indolores qui affectent les plus riches et épargnent les plus pauvres", explique Paulo David, 42 ans, chauffeur privé.
Si le gouvernement a tenu ses promesses électorales en supprimant les surtaxes pesant sur les revenus, il a aussi instauré une série de hausses d'impôts indirects (alcool, tabac, automobile).

L'ex-Premier ministre portugais Pedro Passos Coelho, ici à Bruxelles le 18 février 2016, dont le nom reste associé à quatre années d'austérité budgétaire / © AFP/Archives
Au plus haut dans les sondages, avec 37% à 45% des intentions de vote, le PS a dépassé de loin le PSD dirigé par M. Passos Coelho (30%), peu populaire car son nom reste étroitement associé à quatre années d'austérité budgétaire.
Pour le politologue Antonio Costa Pinto, l'expérience de la gauche plurielle au Portugal a "contribué à éviter le déclin du PS, contrairement à ce qui s'est produit ailleurs en Europe".
Mais, prévient-il, "à la moindre crise internationale, le Portugal retrouvera l'austérité et un gouvernement de droite", comme ce fut le cas en 2011.