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Un groupe de linguistes a décidé de défendre l'utilisation du correcteur orthographique, dont certains voient en lui la fin de la maîtrise du français et de l'orthographe.
À rebours des discours pessimistes, un collectif d'universitaires ayant pris le nom de Linguistes atterrés estime que l'avenir de l'orthographe est dans le correcteur automatique, un outil qu'ils appellent à utiliser dès l'école.
"Le français va très bien, merci" (éditions Gallimard, collection Tracts), qui paraît jeudi, est le titre de leur manifeste, qui a déjà suscité une réponse de consœurs et confrères aux vues opposées.
Comme leurs homologues économistes, les Linguistes atterrés sont rétifs à une certaine orthodoxie (Conformité, dans quelque domaine que ce soit, avec la doctrine, les principes, ndlr). Ces 18 auteurs prennent pour cible des "idées fausses sur la langue française", selon lesquelles par exemple "les francophones écrivent de plus en plus mal".
"Il faut en finir avec le mythe d'un âge d'or de l'orthographe. Les écrivains du XIXe siècle ne la connaissaient pas. Ils remettaient leurs textes à des spécialistes, des professionnels, qui étaient les imprimeurs et les éditeurs", explique par exemple Anne Abeillé, une des signataires, à l'AFP.
Aujourd'hui "l'orthographe est restée figée à 1835, alors que la langue ne cesse d'évoluer. Il y a donc un décalage de plus en plus grand", selon elle.
Le correcteur plutôt que le "par coeur"
Pour ces linguistes, l'urgence serait plutôt d'apprendre aux élèves à utiliser un correcteur, vu qu'ils écriront toute leur vie avec un clavier. "Au lieu de vouloir piéger les élèves, de distinguer qui sait quel mot prend deux "t" entre carotte et compote, donnons-leur les moyens d'écrire en ayant confiance", avance Maria Candea, une autre "linguiste atterrée".
Si on les suit, aucun intérêt à considérer "carote" et "compotte" comme fautifs. "La forme correcte d'aujourd'hui est souvent la faute d'hier", écrivent-ils, en rappelant un exemple comme "formage" devenu "fromage".
D'autres propositions devraient alimenter le débat. Entre autres: supprimer l'accord du participe passé après l'auxiliaire avoir et le complément antéposé. Ainsi, "les fleurs que j'ai offert" et "les fleurs que j'ai offertes" seraient deux formes correctes.
Si l'idée fait son chemin depuis quelques années en Belgique ou au Canada, elle est très minoritaire en France.
Les Linguistes atterrés prônent également la disparition de la dictée, qu'ils trouvent contreproductive. C'est le contraire des recommandations du ministre de l'Éducation nationale Pap Ndiaye, qui en souhaite une par jour.
Une vingtaine de linguistes défendant l'orthographe traditionnelle ont signé en réponse une tribune dans Le Figaro jeudi. Pour eux, il y a une forme de renoncement à vouloir être plus bienveillant envers les fautes. "À ce train-là on peut supprimer l'enseignement de l'orthographe...", déplorent-ils.