
Depuis que les services de streaming pullulent un peu partout (Apple TV+, c’est pour ce vendredi), un des nouveaux boulots de l’ouvreuse consiste à dénicher les perles rares qui se cachent souvent sous des tonnes de daubes.
Tout récemment, lors d’un séjour pré-Brexit à Londres, l’ouvreuse s’est fait plaisir en assistant à une des dernières représentations de la comédie musicale Fiddler on the Roof/Un Violon sur le Toit, sur la scène du Playhouse Theatre. Cette mise en scène mémorable de Trevor Nunn, avec une chorégraphie due à Jerome Robbins, rend magnifiquement justice à une très belle histoire juive qui a également eu droit à une version filmée en décors naturels par Norman Jewison, un film qui compte parmi les œuvres de chevet de Marie-Amandine.
En revenant de Londres, où le Brexit se fait toujours attendre, l’ouvreuse a eu une folle envie de revoir cette autre "histoire juive" qu’est Les aventures de Rabbi Jacob, comédie culte avec un Louis de Funès en roue libre, réalisée par Gérard Oury en 1973 et vue – à l’époque – par plus de 7 millions de Français.
Comme le hasard fait souvent très bien les choses, Rabbi Jacob vient récemment de fêter son 45e anniversaire et – lechaim! – une nouvelle version restaurée du film vient de sortir en BluRay 4K UHD. Cela fait longtemps que Marie-Amandine ne s’était plus tapée ni un Gérard Oury, ni un Louis de Funès – elle trépidait donc d’impatience. Rabbi Jacob, c’est le film de tous les excès… et de tous les courages. En fait, vu le niveau maladivement élevé de ce qui s’appelle désormais le "politiquement correct", un film comme celui-ci est difficilement imaginable de nos jours.

© © TF1 Studio/Films Pomereu
On résume: Un industriel français (De Funès), raciste, misogyne et xénophobe comme il n’est plus permis, est obligé de se déguiser en rabbin et faire équipe avec un politicien arabe, également déguisé en rabbin, pour échapper à des terroristes arabes qui veulent leur faire la peau, pour éviter un changement politique au pays du politicien arabe. Et les flics français, cons à souhait, se mêlent de l’histoire.
Une des séquences-clé du film («Rabbi Jacob, il va danser») se passe rue des Rosiers dans le Marais, le quartier juif parisien. Figurez-vous (l’ouvreuse ne le savait pas) que ces scènes essentielles ont été tournées dans un quartier magrébin à Saint-Denis, où une ribambelle de figurants magrébins faisaient la fête, chantaient et dansaient, habillés en… juifs. Rien que pour cette idée merveilleuse de cohabitation – impensable en 2019 – Les aventures de Rabbi Jacob vaut la peine d’être (re)découvert. Et puis, il faut quand-même avouer que certains des gags sont tellement drôles que même une ouvreuse sophistiquée en diable s’en fend encore la gueule, 45 ans plus tard. Gérard Oury et Louis de Fufunès étaient des maîtres de l’humour primaire, ce qui a fait d’eux des champions du box-office français pendant de longues années. Qu’ils en soient ici remerciés.

© © TF1 Studio/Films Pomereu
Ce qui nous amène au streaming, à Netflix et au hasard qui a encore fait bien les choses. En parcourant les interminables listes de films et de séries du géant américain, les mirettes de l’ouvreuse se sont arrêtées sur l’affiche d’une comédie suisse-allemande appelée Wolkenbruch (Titre anglais: Wolkenbruch’s Wondrous Journey into the Arms of a Shiksa), réalisé par Michael Steiner, et basé sur le roman hilarant Wolkenbruchs wunderliche Reise in die Arme einer Schickse de Thomas Meyer, qui a également écrit le scénario du film.
L’histoire est celle de Mordechai Wolkenbruch, dit Motti, un jeune juif orthodoxe de Zurich, dont la mame (plus maman juive, tu meurs, elle est interprétée par une dame dynamiquement hystérique nommée Inge Maux) tient absolument à le marier en lui arrangeant des rendez-vous à tort et à travers avec de jeunes femmes très juives. Mais Motti, naïf et puceau à souhait, ne l’entend pas de cette oreille. Lorsqu'il fait la connaissance et tombe amoureux d’une jeune fille shiksa (donc non juive), un univers s’écroule pour sa mame…

© Netflix
Alors que Un violon sur le toit explique la culture, les traditions et la religion juives face aux pogroms des Soviet par la chanson et la danse, et alors que Rabbi Jacob tourne les clichés de ces traditions en bourrique d’une façon primaire (mais réjouissante), le film de Michel Steiner y va d’une main beaucoup plus sûre et discrète, en intégrant les clichés, les traditions et les préjugés dans une aventure romantique, drôle et éminemment subtile, comme le cinéma ne se les permet plus assez souvent, hélas.

© Netflix
Même si la mame de Motti est l’exemple-type de la mère juive possessive et protectrice, les auteurs de Wolkenbruch l’aiment d’un amour tendre en lui offrant les séquences les plus juteuses d’un film jubilatoire, qui a fait rire votre ouvreuse chérie aux larmes. La Suisse vient de proposer Wolkenbruch a l’Académie des Oscars dans la catégorie "meilleur film étranger", où – encore un hasard – le Luxembourg sera représenté par Tel Aviv on Fire de Sameh Zoabi, coproduit par Samsa. Alors faites-vous plaisir et découvrez Wolkenbruch sur Netflix ce weekend, en version originale, avec sous-titres français, allemands ou anglais. Vous m’en en direz des nouvelles!
Marie-Amandine
Shiksa