"A Rainy Day in New York" est un des films les plus charmants actuellement à l'affiche au Luxembourg. Et pourtant, "on" voulait que vous ne puissiez le voir, puisque Woody Allen est le diable.

Produit par les studios Amazon (oui, ceux-là) dans le cadre d’un accord portant sur plusieurs films de Woody Allen,  "Un jour de pluie à New York" aurait dû être proposé aux abonnés de Amazon Prime au cours de l’année 2018. Mais suite à la résurgence d’anciennes accusations de pédophilie contre le cinéaste (dont il avait déjà été innocenté), Amazon a chié dans son froc, a décidé de stocker le film dans ses coffres forts sans jamais le montrer à personne, et d’arrêter toute collaboration avec celui que l’ouvreuse (mais pas seulement elle) considère comme un des plus grands cinéastes au monde.

Les mauvaises langues du piège à cons médiatique surtout américain avaient une fois de plus eu gain de cause, face à un homme dont il s’agissait de détruire une carrière portant sur au moins 66 films. Mais Woody ne serait pas Woody s’il s’était laissé faire, il a lui aussi intenté un procès à Amazon pour rupture de contrat et a réussi à récupérer les droits de son (actuellement) dernier film qui, depuis, a été vendu dans plusieurs pays européens et qui a aussi eu l'honneur d’une projection dans le cadre du Festival de Deauville. Dans "A Rainy Day in New York", Timothée Chalamet et Elle Fanning jouent sans doute les meilleurs rôles de leur jeune carrière. Alors qu’ils devraient remercier Dieu d’avoir eu la chance d’être dirigés par un des meilleurs directeurs d’acteurs qui soient, eux aussi se sont fait happer par la connerie ambiante aux USA et ont déclaré qu’ils ne tourneraient plus jamais avec Woody Allen. Bande de cons ingrats.

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© Paradiso Entertainment

Tout au début, quand le mouvement "Me too" a commencé à prendre de l’ampleur un peu partout dans le monde, c’était avant tout une opportunité pour les femmes de se révolter contre le harcèlement sexuel dans le milieu du show business (l’affaire Harvey Weinstein, par exemple) ou contre les humiliations constantes qu’elles subissent au quotidien dans leur travail. Il était, en effet, grand temps de crever l’abcès. Mais tout cela s’est rapidement transformé en chasse aux sorcières, dont on a de plus en plus souvent l’impression qu’il s’agit de détruire des carrières, plutôt que de veiller à ce que les vrais abus soient portés devant la justice et que les vrais coupables soient punis pour leurs actes. Aucune discussion, là-dessus, nous sommes d’accord. Mais vouloir imposer aux gens – d’un jour à l’autre – de renier des carrières entières de producteurs chevronnes comme Harvey Weinstein, d’acteurs talentueux comme Kevin Spacey, de cinéastes brillants comme Roman Polanski, Woody Allen ou John Lasseter, où – depuis peu – d’un chanteur d’opéra comme Placido Domingo, est un pas que l’ouvreuse ne peut et ne veut pas franchir. Parce que cela équivaudrait à jeter à la poubelle pratiquement toute l’histoire du cinéma.

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Plus de films de Chaplin qui était marié à une fille en très bas âge, plus de film de Laurel et Hardy, parce que Oliver Hardy aimait batifoler avec des femmes nettement plus jeunes que lui, plus aucun film jamais produit par la Metro Goldwyn Mayer, dont le patron Louis B. Mayer était,  dit-on, un très chaud lapin avec ses actrices, plus aucun film produit par les autres studios, dont les dirigeants étaient tout aussi gourmands quand il s’agissait de "tester" des starlettes sur la "casting couch". Chacun des grands studios américains avait des "agents" très spéciaux censés surveiller ses vedettes, dont les faux-pas réguliers étaient tout aussi régulièrement "régulés sous la table". Le monde (oui, pourri) des grands studios du cinéma n’a pas été inventé par Weinstein et compagnie, il était toujours comme ça. Faut-il pour autant balancer les films de John Wayne à la poubelle parce que le mec était une pourriture dans sa vie privée ? Non merci.

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Prenez l’affaire récente autour de Justin Trudeau au Canada. Le mec (encore étudiant) se rend à un bal costumé, se peint le visage en noir parce qu’il est déguisé en Maure, et paf, il se prend une volée de bois vert en pleine poire et est obligé de s’excuser devant les caméras du monde. Entre le "black-face" raciste des "minstrel shows" américains et quelqu'un qui, aux Pays-Bas, joue au "Zwarte Piet" ou, au Luxembourg, se grime en "Houséker", il y a une sacrée différence. Et pourtant, la "vox populi" s’en offusque de plus en plus régulièrement. Dans le sublime "Breakfast at Tiffany’s" avec la non moins sublime Audrey Hepburn, le personnage de Monsieur Yunioshi (joué par Mickey Rooney) est une des pires caricatures d’un Japonais jamais vues au cinéma, faut-il pour autant se distancier du film à cause de cette calamité ? L’ouvreuse a vu Judy Garland, Doris Day, Mickey Rooney et d’autres, grimés en "black face dans des films des années 1950 – ne peut-on plus les regarder? L’ouvreuse est d’avis qu’en tant que spectatrice adulte et avertie qui sait faire la juste part des choses, elle a le droit de regarder ce qu’elle veut. Même les pires films de propagande nazie, ce qu’elle a d’ailleurs fait. Et ce n’est pas la police des bonnes mœurs sur internet qui va l’empêcher de se taper "The Birth of a Nation" de David W. Griffith, sans doute un des plus grands films de l‘histoire du cinéma muet. Et un des films les plus ouvertement racistes qui soient.  Voilà, vous pouvez gueuler maintenant!

Marie-Amandine
Conne à tout faire