
Un poste de contrôle des forces azerbaïdjanaises à l'entrée du corridor de Latchine, le 2 mai 2023 / © AFP/Archives
L'Azerbaïdjan a lancé mardi une opération militaire au Nagorny Karabakh, trois ans après la précédente guerre, demandant la reddition de son adversaire arménien dans cette région disputée depuis des décennies avec l'Arménie.
La présidence azerbaïdjanaise a appelé en début de soirée les forces séparatistes arméniennes du Karabakh à rendre les armes, condition sine qua non pour le début de négociations.
"Les forces armées arméniennes illégales doivent hisser le drapeau blanc, rendre toutes les armes et le régime illégal doit se dissoudre. Autrement, les opérations antiterroristes continueront jusqu'au bout", a-t-elle déclaré, faisant écho à la diplomatie azerbaïdjanaise qui réclamait une reddition "totale et inconditionnelle".
La présidence a proposé, en cas de capitulation, des pourparlers "avec les représentants de la population arménienne du Karabakh à Yevlakh", une ville azerbaïdjanaise à 295 km à l'ouest de Bakou.
Avant cela, les autorités du Karabakh avaient réclamé un cessez-le-feu immédiat et des négociations.
Au moins 26 morts
Les combats ont fait au moins 25 morts, dont deux civils, dans cette région et la population de six localités y a été évacuée, selon les autorités séparatistes arméniennes.
De son côté, l'Azerbaïdjan a annoncé la mort d'un civil, tué "par des éclats d'obus à la suite d'une attaque des forces armées arméniennes".
Les séparatistes affirment que plusieurs villes du Nagorny Karabakh, dont sa capitale Stepanakert, sont ciblées par des "tirs intensifs", qui visent aussi des infrastructures civiles.
Les affrontements ont lieu "sur toute la ligne de contact" de ce territoire et les Azerbaïdjanais ont recours à l'"artillerie", à des roquettes, à des drones d'attaque, à des avions de combat, a raconté l'armée séparatiste.
La diplomatie arménienne a dénoncé une "agression de grande ampleur" à des fins de "nettoyage ethnique". Elle a aussi jugé que la Russie, garante d'un cessez-le-feu datant de 2020 avec des forces de la paix sur le terrain, devait "stopper l'agression azerbaïdjanaise".
L'Arménie a dit ne pas avoir de troupes au Karabakh, laissant entendre que les forces séparatistes étaient seules face aux soldats azerbaïdjanais.
"Opérations antiterroristes"
A Bakou, le ministère de la Défense avait annoncé dans la matinée le déclenchement d'"opérations antiterroristes" après la mort de six Azerbaïdjanais - dont quatre policiers - dans l'explosion de mines sur le site d'un tunnel en construction entre Choucha et Fizouli, deux villes du Nagorny Karabakh sous contrôle de l'Azerbaïdjan.
Les services de sécurité azerbaïdjanais pensent qu'un groupe de "saboteurs" séparatistes arméniens a posé ces engins explosifs.
L'inaction de la communauté internationale pour parvenir à un accord de paix durable au Nagorny Karabakh est à l'origine de l'offensive azerbaïdjanaise, ont quant à eux déclaré les séparatistes arméniens.
Les tensions s'aggravent depuis des mois autour de ce territoire sécessionniste d'Azerbaïdjan en majorité peuplé d'Arméniens, qui a déjà été au coeur de deux guerres entre Erevan et Bakou. La première avait duré de 1988 à 1994, celle de l'automne 2000 s'était arrêtée au bout de six semaines.
Le Premier ministre arménien Nikol Pachinian a quant à lui accusé les Azerbaïdjanais de vouloir "entraîner l'Arménie dans les hostilités".

Le Premier ministre arménien Nikol Pachinian lors d'un entretien avec l'AFP à Erevan, le 21 juillet 2023 / © AFP/Archives
La situation à la frontière arméno-azerbaïdjanaise est pour l'heure "stable", a-t-il néanmoins précisé.
M. Pachinian, qui a réuni son Conseil de sécurité, a par ailleurs dénoncé des appels à un "coup d'Etat" en Arménie, où des heurts ont opposé des manifestants le qualifiant de "traître" et exigeant sa démission aux forces de l'ordre devant le siège du gouvernement.
L'opposition arménienne a tenté à plusieurs reprises ces trois dernières années d'obtenir le départ du Premier ministre arménien, l'accusant d'être responsable de la défaite militaire dans la guerre de 2020 au Nagorny Karabakh.
Des dizaines de manifestants se sont en outre rassemblés devant l'ambassade de Russie à Erevan, dénonçant l'inaction de ce pays pour empêcher l'offensive armée azerbaïdjanaise
Bakou a précisé avoir informé de ses opérations à la fois la Russie - qui a ensuite assuré n'avoir été prévenue que "quelques minutes" avant leur commencement - et la Turquie.
Le Kremlin, "préoccupé", a dit par la voix de son porte-parole essayer de convaincre l'Arménie et l'Azerbaïdjan de retourner "à la table des négociations", tandis que la mission de maintien de la paix russe dans ce territoire contesté s'est prononcée pour un cessez-le-feu "immédiat".
Quant à la Turquie, qui a qualifié de "légitimes" les préoccupations ayant amené l'Azerbaïdjan à se lancer dans une action militaire, elle a également exhorté, en parallèle, à la "poursuite du processus de négociations entre l'Azerbaïdjan et l'Arménie".
Emoi de la communauté internationale
Nikol Pachinian n'a pas fait état de discussions avec Vladimir Poutine mais a eu deux entretiens téléphoniques avec le président français Emmanuel Macron et le chef de la diplomatie américaine, Antony Blinken, tous trois jugeant le recours à la force "inadmissible", selon la porte-parole du Premier ministre.

Le Nagorny Karabakh, région disputée depuis trois décennies / © AFP
Paris a demandé une réunion du Conseil de sécurité des Nations unies et jugé "illégale, injustifiable, inacceptable" l'attaque azerbaïdjanaise.
Bakou a répliqué en fustigeant la "politique islamophobe et antiazerbaïdjanaise de la France et son ingérence inacceptable dans nos affaires intérieures".
Le président du Conseil européen, Charles Michel, qui a effectué une médiation par le passé entre les deux pays, a quant à lui estimé que l'Azerbaïdjan devait "immédiatement" cesser son opération.
Bakou a par ailleurs accusé l'armée arménienne d'avoir blessé deux militaires azerbaïdjanais dans le nord-est du Nagorny-Karabakh et d'avoir tiré avec des armes légères vers des positions de l'Azerbaïdjan dans le district de Gadabay, à la frontière entre les deux pays.
Les tensions avaient pourtant diminué d'un cran lundi avec l'arrivée d'aide humanitaire dans l'enclave, soumise depuis des mois à un blocus azerbaïdjanais qui a entraîné de graves pénuries de nourriture et de médicaments.
Erevan accuse Bakou de provoquer une crise humanitaire à des fins d'épuration ethnique en bloquant le corridor de Latchine, la seule route reliant le Nagorny Karabakh à l'Arménie.
Le conflit de 2020 avait débouché sur une déroute militaire arménienne, Erevan ayant dû céder des territoires dans et autour du Nagorny Karabakh.
Un cessez-le-feu, négocié par la Russie, avait été signé, sans jamais qu'on aboutisse à un accord de paix.