Dans un recueil publié par la Fondation Idea, l'économiste Vincent Hein esquisse une nouvelle idée de codéveloppement entre le Luxembourg et ses voisins. Celui-ci trouverait sa source, dans le télétravail des frontaliers.

Pour l'instant, on peut dire que le Luxembourg n'a pas connu de bug. Le télétravail illimité accordé aux frontaliers depuis mars 2020 se poursuit. Il a même été prolongé jusque fin septembre. Une aubaine pour les frontaliers, qui peuvent appréhender l'été avec la possibilité de travailler depuis chez eux autant que nécessaire. Une aubaine également pour le Luxembourg, qui a reçu un beau cadeau de la part de ses voisins. Mais après?

Au sein de la Fondation Idea, on commence à réfléchir à la fin de ce télétravail illimité accordé par le Luxembourg et ses voisins. Car à défaut d'avoir pu anticiper l'arrivée du coronavirus, il faut préparer l'après. Notamment le retour permanent des frontaliers et de la tension générée sur la mobilité, le financement de services publics, les infrastructures culturelles ou sportives...

Dans un recueil publié ce mois de juin par la Fondation - "Inventaire avant sortie de crise!" - l'économiste Vincent Hein avance la possibilité pour le Luxembourg de renforcer le codéveloppement avec les pays voisins. Comment? En créant des fonds, alimenté par le Grand-Duché et les pays frontaliers, destinés à financer des infrastructures et des services au-delà des frontières du Grand-Duché. L'idée se rapproche notamment de celle avancée par le maire de Thionville, Pierre Cuny.

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Vincent Hein, un des contributeurs du recueil de la Fondation Idea, a imaginé un partage innovant de la fiscalité des frontaliers avec les pays voisins. / © RTL

POUSSER AU MAXIMUM LE TÉLÉTRAVAIL POUR LES FRONTALIERS

L'économiste de la Fondation Idea nous détaille sa proposition: "Ce qui serait stratégique pour le Luxembourg et gagnant-gagnant pour les régions frontalières, ce serait de pousser au maximum les seuils fiscaux de télétravail, à hauteur des 25% issus de la limite européenne." De quoi garantir environ 50 jours de télétravail par an aux frontaliers. Soit un peu plus d'un jour par semaine, en prenant en compte les congés. C'est aussi près du double des limites actuelles.

Évidemment, l'impôt sur le revenu serait toujours prélevé exclusivement au Luxembourg. "Mais en échange, on prendrait un pourcentage de ces impôts, que l'on réinvestirait dans des fonds spécialisés de coopération, auxquels les pays voisins contribueraient aussi pour investir dans des projets d'infrastructures et de services."

Ce codéveloppement, le Luxembourg l'a déjà initié. Il finance, avec la France, des projets de mobilité à la frontière. En Belgique, il redistribue une partie de l'impôt prélevé via le fonds Reynders. Vincent Hein assure toutefois qu'il est possible de faire plus.

Ces fonds seraient davantage orientés vers des projets locaux. Comme des formations ou des équipements communaux qui rendent les territoires plus attractifs. Et plus seulement la mobilité. "Prenons le cas des infirmières: les faire venir plus facilement au Luxembourg ne règle pas le problème. Par contre, si on met de l'argent en commun pour créer des écoles d'infirmières, on commence à faire quelque chose qui règle le problème." 

Selon Vincent Hein, la vraie difficulté pour le Luxembourg repose sur la négociation avec les États voisins: les convaincre de renoncer à une possible imposition de leurs résidents employés au Grand-Duché, mais leur garantir, en échange, de financer des projets très concrets, utiles au quotidien ou pour relever les défis de la région. Tout l'inverse des fameuses "décorations de Noël" que Xavier Bettel ne souhaite pas financer. Reste à voir si le Premier ministre pourrait apprécier l'idée au point d'aller la défendre auprès de ses homologues allemands, belges et français. Car s'ils ont été très conciliants sur le télétravail durant la crise, peut-être attendent-ils un geste luxembourgeois en retour.