Cloués dans un fauteuil roulant ou dans un lit parce que leurs jambes ne les portent plus, des patients réapprennent à marcher au Rehazenter grâce à... un exosquelette. Une première au Luxembourg.
"Quand je me mets debout je tiens mais je n'ai plus de marche normale. J'ai plus ou moins l'équilibre et je tracte mes pieds plus que je ne les lève", témoigne Clémentine Bernard, 42 ans. Maman de sept enfants, Clémentine ne se déplace plus qu'en fauteuil roulant depuis 2013 à cause d'une myopathie.
Depuis ses "jambes" s'appellent Rossi. Le Golden Retriever l'accompagne dans tous ses déplacements. Excepté quand Xavier Masson et Aurélie Soutemans, kinésithérapeutes spécialisés, l'équipent d'un exosquelette au Rehazenter, le Centre national de rééducation fonctionnelle et de réadaptation à Luxembourg-Kirchberg. Après quelques exercices de préparation, Clémentine se retrouve subitement en position debout et se remet à... marcher.
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Baptisé Atalante, l'engin de 80 kg "est équipé de 12 moteurs qui sont placés au niveau des chevilles, des genoux et des hanches. Ils permettent de faire tous les mouvements qu'on fait normalement avec ses jambes", explique Nicolas Simon, co-fondateur de Wandercraft, la société française qui a conçu la machine.
Alimenté par deux batteries placées sur le haut des cuisses, le robot d'assistance est bardé "d'une cinquantaine de capteurs, comme par exemple ceux qui sont sous les pieds pour sentir le sol. Mille fois par seconde, ces capteurs font des calculs et disent aux moteurs quels mouvements faire pour que la personne reste en équilibre debout".
Des exosquelettes qui redonnent des jambes à ceux qui n'en ont plus vraiment, il en existe déjà plusieurs sur la planète. Mais la particularité de celui-ci est qu'il est "le seul au monde qui ne nécessite pas de béquilles. Il s'équilibre tout seul. C'est le seul exosquelette qui peut tourner, faire des pas de côté ou en arrière", assure Nicolas Simon.
















Le "gros avantage" de cet appareil, pour le Dr Thierry Debugne, responsable du Pôle de rééducation neurologique au Rehazenter, est "qu'on peut commencer beaucoup plus vite à mettre le patient debout et à lui faire faire des exercices de marche. Dans une séance de rééducation classique, un patient qui est très déficitaire, fait 50 pas sur la cession. Avec ce genre de système, on peut aller jusqu'à 1.000 pas sur une cession".
L'exosquelette "permet de redonner le sens de la liberté et de la mobilité pour réintégrer dans la vie, les personnes qui ont perdu l'usage de leurs jambes", résume le Dr Gaston Schütz, directeur général du Rehazenter. Outre l'indescriptible sensation de pouvoir remarcher, l'exosquelette représente "une motivation extrême pour nos collaborateurs" et un vrai défi pour le laboratoire de recherches implémenté au Rehazenter. Car l'objectif est de "fournir la preuve que c'est quelque chose qui mériterait d'être employé à large échelle".
Analysé de près sur le plan thérapeutique, l'usage du robot a déjà montré qu'il apporte d'autres bienfaits. Il améliore le transit intestinal mais aussi les fonctions urinaires de certains patients, confie le Dr Thierry Debugne.
PAS POUR FAIRE UN MARATHON MAIS JUSTE POUR FALICITER LES GESTES QUOTIDIENS
De son côté, Clémentine Bernard rêve d'avoir "un exosquelette plus compacte et plus maniable au quotidien". Elle avoue "ne pas avoir de nostalgie de pouvoir marcher pour marcher" mais aimerait tellement gagner en autonomie de déplacement "non pas pour faire un marathon mais pour avoir plus de facilités pour certaines choses du quotidien".
Se mettre debout lui permettrait par exemple d'"avoir plus de force en cuisine, ranger les affaires des enfants, coiffer une de mes filles... ce serait top!", lance-t-elle les yeux rieurs.
L'ambition de Wandercraft est justement d'aller plus loin que la seule version pensée pour la rééducation: "Nous l'améliorons et la remettons à jours régulièrement. Nous sommes d'ailleurs en train de développer une version pour l'usage personnel à la maison ou aller dans la rue en toute autonomie", avance Nicolas Simon. Un projet qui devrait se concrétiser dans "les deux, trois prochaines années".
PAS ENCORE PRIS EN CHARGE PAR LA CAISSE DE MALADIE
Un tel engin coûte une petite fortune: 170.000 euros. Au Luxembourg, la Fondation Wonschstär a entièrement financé l'exosquelette via des dons privés avant de l'offrir au Rehazenter. "Il nous a fallu près de deux ans" pour collecter la somme, souligne Viviane Vermeer.
La présidente de la fondation insiste sur "l'importance pour les patients de continuer à travailler avec un exosquelette au Rehazenter mais aussi ensuite chez soi". Le combat de Viviane Vermeer en coulisses est désormais de sensibiliser les caisses de maladie pour une prise en charge de l'exosquelette.
"Il commence à être remboursé en Allemagne et Etats-Unis", assure Nicolas Simon avant de souffler: "Mais ce n'est pas encore le cas en France, ni au Luxembourg".