Plutôt bien, si l'on en croit une étude universitaire. Des chercheurs ont montré que les frontaliers qui travaillent au Luxembourg sont généralement mieux perçus que leurs homologues en Suisse, considérés comme des parasites dans certains cantons.

Afin de répondre à cette délicate question, des universitaires ont récolté des données en Suisse comme au Grand-Duché. Ce groupe de chercheurs issus du réseau Center for Border Studies, impliquant l’Université de Luxembourg, s’est attelé à comparer le Grand-Duché et la Suisse en termes de marché de l’emploi, de mobilité transfrontalière et de perception des travailleurs frontaliers.

Il ressort de cette étude qu’en dépit des désagréments liés au sort de ces derniers dans la Grande Région (transports, problèmes de langue…), ils ne sont pas si mal lotis si on les compare à ceux qui viennent travailler dans certains cantons suisses.

“CERTAINS N'OSENT MÊME PAS DIRE QU'ILS SONT FRONTALIERS”

Le Luxembourg et la Suisse concentrent à eux seuls une grande partie des travailleurs frontaliers en Europe - un demi million de personnes sur deux millions en tout  -, phénomène structurel ancré dans les économies des deux pays. En matière fiscale, l’ensemble des frontaliers occupés au Luxembourg paient leurs impôts au Grand-Duché, tandis que le statut fiscal de ceux qui travaillent en Suisse varie d’un canton à l’autre. Au Luxembourg, la part de l’emploi frontalier constitue environ 46% de la masse des salariés. Le nombre des effectifs frontaliers a été multiplié par 16 depuis 1974.

En Suisse, les travailleurs frontaliers sont souvent tenus pour responsables de différents maux tels que le chômage ou la pression sur les salaires. C’est le cas dans les cantons de Genève et du Tessin. Leur acceptation sociale est mitigée et de forts ressentiments s’expriment à leur égard. Une partie significative d’entre eux se considèrent comme précaires, révocables à tout moment.

"Il ressort même que certains frontaliers n’osent même pas dire qu’ils sont frontaliers de peur de ces perceptions négatives et d’être mal jugés", nous apprend Isabelle Pigeron, chercheuse à l’Université du Luxembourg.

À cela s’ajoute la difficulté de vivre comme un étranger de passage, tantôt malvenu, tantôt incompris, constamment en quête de reconnaissance. Dans l'espace public de certains cantons suisses, un discours nationaliste délégitime le frontalier et le décrit comme cupide et peu investi dans la vie sociale et économique du lieu de travail. 

Pour aller plus loin: le maire de Metz monte au créneau pour obtenir de l'argent du Luxembourg

“SANS LES FRONTALIERS, LE LUXEMBOURG NE TOURNERA PLUS”

Au Luxembourg, et dans le canton suisse plus bienveillant de Bâle, les frontaliers sont considérés comme des "étrangers familiers", nécessaires à la croissance économique. 

"Ce mécanisme de faire passer les frontaliers pour des boucs émissaires, ça ne fonctionne pas au Luxembourg, nous explique Christian Wille, du Center for Border Studies. Parce que sans les frontaliers, le Luxembourg ne tournera plus."

Ils représentent malgré tout une potentielle menace pour la langue et la culture luxembourgeoises. En dépit de ces tensions, aucun parti politique hostile aux frontaliers n’a fait son apparition au Grand-Duché, à la différence de la Suisse. Pourtant, lorsque les chercheurs se sont éloignés des questions économiques pour aborder la dimension socioculturelle, quelques dissonances sont apparues dans les entretiens.

"Là, on a remarqué que les réponses étaient déjà plus réticentes, poursuit Christian Wille. Par rapport à la langue, on était souvent confronté aux propos que les frontaliers devraient respecter plus la langue luxembourgeoise, apprendre la langue luxembourgeoise ou respecter plus la culture luxembourgeoise.

En résumé, ces "étrangers familiers" ont quelques efforts de plus à fournir pour réellement faire partie de la famille.

Lire le dossier complet réalisé par le Center for Border Studies.