Après le renard et avant le corbeau, le cerf est au centre du dernier album du dessinateur et scénariste le plus connu de la province du Luxembourg en Belgique.
Le cerf est à la forêt ardennaise ce que le lion est à la jungle. Le roi. "Ce n’est pas moi qui l’ai inventé mais c’est une évidence", lâche Jean-Claude Servais qui a fait du majestueux gibier le héros de son dernier opus baptisé «Le Roi Cerf».
L’artiste gaumais de 68 ans ne s’arrête jamais. Son rituel est immuable. «J’écris les scénarios en été dans un petit chalet, au fond des bois, devant un étang avec pour voisins les Martin-pêcheur et les cigognes noires et je dessine à partir du mois de septembre dans ma maison à Jamoigne. Elle appartenait à mon arrière-arrière-grand-mère et date de 1850.»
Le cadre est idéal pour raconter les tribulations d’Edouard et de son grand-père qui observent un étrange braconnier. "Cette relation familiale, c’est un peu le fil rouge et cette collection appelée ‘La Faune symbolique’ mais le personnage central de l’album, c’est le cerf." Les contes et légendes ne sont jamais bien loin lorsqu’on évoque l’œuvre de Jean-Claude Servais qui est allé piocher de-ci, de-là, toutes les histoires qui ont contribué à la légende de cet animal dont les amoureux guettent le fameux brâme.
"Je m’inspire de toutes les légendes et je les remets à ma sauce. Plusieurs images nous viennent souvent à l’esprit dont celle de Saint-Hubert qui a vu le cerf crucifère", rappelle l’auteur qui précise qu’au Moyen-âge, seuls les seigneurs pouvaient tirer l’animal, d’où son côté mythique.
Restait un détail et non le moindre: le dessiner. "Ce ne fut pas évident. Je me suis documenté. Un ami garde-forestier m’a aidé mais lorsque vous devez illustrer un 14 cors sous différents angles de vue, c’est un exercice pour le moins compliqué", concède le dessinateur.
Chassepierre en toile de fond du prochain opus
Déjà parti à la rencontre de son public lors de séances de dédicaces qui rencontrent toujours un certain succès, le Gaumais confesse que les retours sont bons. "Meilleurs que pour l’opus précédent, ‘’Renard rusé’’. Peut-être que les gens ont eu besoin d’apprivoiser cette nouvelle écriture."
La mythologie nourrit aussi le propos de l’artiste comme ce fut déjà le cas dans 'La Tchalette' il y a 40 ans. 'J’ai déjà exploré pas mal de choses de ce côté-là, entre magie, sorcellerie et contes de Gaume et d’Ardenne."
Et ce sera toujours d’actualité pour le troisième tome de cette collection dont Jean-Claude Servais a accepté de lever une partie du voile.
"Corbeaux et corneilles seront au centre de ce récit qui trouvera son décor dans le village de Chassepierre. J’ai découvert cet univers autour d’oiseaux qui n’avaient pas bonne réputation parce qu’ils étaient étroitement liés à la mort. Or, ce sont des bestioles intelligentes. Il y a beaucoup de légendes celtiques qui évoquent les corbeaux. Les Nordiques les considéraient comme des Dieux."
Jean-Claude Servais n’a pas encore décidé de mettre un trait final à son œuvre. Depuis 45 ans, il enchante le pays gaumais et son travail traverse aisément les frontières, même s’il rencontre difficilement le public grand-ducal. Une bonne BD sous le sapin est toujours un cadeau bien senti et une découverte enrichissante.