Voies de chemin de fer bloquées, circulation perturbée, grèves, manifestations: la mobilisation était forte ce jeudi en France, après le passage en force sur la réforme des retraites après l'intervention de Macron qui a ulcéré ses opposants.

Le ministre français de l'Intérieur Gérald Darmanin a fait état vendredi de "457 interpellations" et de "441 policiers et gendarmes blessés" jeudi en France lors de la 9e journée de mobilisation contre la réforme des retraites.

Invité de la chaîne Cnews, le ministre a affirmé en outre qu'il y avait eu "903 feux de mobiliers urbains ou de poubelles" jeudi à Paris lors de la manifestation intersyndicale.

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© Alain JOCARD / AFP

Entrée dans son troisième mois, la contestation dans la rue contre la réforme a rassemblé jeudi entre 1,089 million de manifestants (Intérieur) et 3,5 millions (CGT) pour sa 9e journée de mobilisation.

Le secrétaire général de la CFDT Laurent Berger a appelé vendredi le gouvernement à "mettre sur pause" la réforme des retraites, et à ouvrir une négociation plus globale avec les syndicats, qui comprendrait par exemple "l'emploi des seniors", "l'usure au travail" ou "les aménagements de fin de carrière".

Il faut "se donner six mois pour regarder, et sur le travail et sur les retraites, comment il faut reprendre les choses à l'endroit", a-t-il déclaré sur RTL.

Les syndicats rassurés par les chiffres de la mobilisation, ont été aussi ragaillardis par des cortèges où les jeunes sont manifestement venus plus nombreux. Tout sauf une surprise tant leur irruption avait été pronostiquée depuis le début de la mobilisation.

"Je voudrais dire merci à Emmanuel Macron. Il est tellement arrogant et à côté de ses pompes qu'à chaque fois qu'il parle, t'as qu'une envie, c'est de prendre ton drapeau pour partir en manif", s'époumonait Fabien Villedieu, délégué syndical SUD-Rail, avant de rejoindre l'important cortège parisien.

"Insulter des millions de salariés de factieux et nous comparer à ceux qui ont envahi le Capitole, c'est pire qu'une insulte", s'est de son côté indigné Béranger Cernon, de la CGT-Cheminots.

À Paris, la CGT faisait état de 800.000 manifestants, le chiffre le plus élevé avancé par le syndicat depuis le début du mouvement, alors que le comptage des autorités n'est pas encore connu.

À Metz, où la mobilisation n'a cessé d'enfler depuis janvier, Force ouvrière fait état de 19.000 manifestants ce jeudi 23 mars.

Les syndicats revendiquent aussi une participation record à Marseille: 280.000 personnes, contre 16.000 selon la préfecture, un grand écart de comptage classique dans la deuxième ville de France.

Ils dénombrent également 110.000 marcheurs à Bordeaux, autre record, 35.000 à Rennes et 80.000 à Nantes - contre respectivement 22.000 et 25.000 selon les autorités dans ces deux dernières villes, où des heurts avaient lieu entre manifestants et forces de l'ordre.

La police avait indiqué prévoir "entre 600.000 et 800.000 personnes" dans le pays, avec la présence de centaines d'éléments radicaux ou potentiellement violents à Paris.

VIOLENCES

En milieu d'après-midi, des violences ont ainsi éclaté en tête de la manifestation parisienne, où plusieurs centaines d'éléments radicaux vêtus de noir ont brisé des vitrines et du mobilier urbain, a constaté un journaliste de l'AFP. Des personnes, identifiées comme des Black Bloc, ont notamment fracassé les vitres d'une supérette, avant d'attaquer un fast-food McDonald's.

Paroles de manifestants contre la réforme des retraites
À Paris, les manifestants contre la réforme des retraites "pas essoufflés" donnent leur avis sur la réforme, l'utilisation du 49.3 et le Président.

Cette neuvième journée nationale de mobilisation depuis le 19 janvier intervient au lendemain d'une interview télévisée d'Emmanuel Macron, deux jours après l'échec des oppositions à censurer le gouvernement concernant l'adoption sans vote de cette réforme phare de son second quinquennat.

Malgré la forte impopularité du texte d'après les sondages, qui recule l'âge de départ de 62 à 64 ans, le chef de l'Etat s'est montré inflexible, martelant que la réforme devait être appliquée "avant la fin de l'année" et assumant son "impopularité".

Une attitude qui, comme beaucoup de protestataires, a fait réagir Laurence Briens, orthophoniste à Paris, où des milliers de tonnes d'ordures s'entassent toujours sur les trottoirs, les éboueurs étant en grève depuis 18 jours contre la réforme, même si les réquisitions des autorités commencent à porter leurs fruits dans certains quartiers.

"J'ai pris ma décision définitive de manifester hier" mercredi, après avoir vu l'interview de Macron, a raconté cette sexagénaire. "C'était comme si on n'existait pas, comme si on nous entendait pas."

Jeudi, les transports ferroviaires et le métro parisien étaient très perturbés, les syndicats ayant appelé à "une journée noire" dans le secteur, tandis que des dizaines de lycées et d'universités étaient bloqués jeudi matin.

L'approvisionnement en kérosène de la région parisienne et de ses aéroports par la Normandie (ouest) "devient critique" en raison des grèves dans les raffineries, a indiqué à l'AFP le ministère de la Transition énergétique, prêt à réquisitionner des grévistes.

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