Le 13 septembre, 22h39 en Temps Universel, un corps céleste plonge vers Jupiter et s'embrase dans son atmosphère. À 500 millions de km de là, sur la Terre, des amateurs d'astronomie ont la chance d'observer ce phénomène et de le capturer en vidéo. Parmi eux plusieurs membres de la Société Lorraine d'Astronomie.

"J'ai eu un coup de bol monumental", témoigne Jean-Paul Arnould, l'un des observateurs adhérant à la Société Lorraine d'Astronomie. Il est à peine plus de minuit en ce début de 14 septembre à Villey-le-Sec entre Nancy et Toul quand l'astronome chevronné décide de braquer le télescope de son observatoire personnel sur la planète Jupiter.

"Je regardais le ciel et Jupiter était belle. Je voulais observer les taches noires provoquées à sa surface par l'un de ses satellites Io", explique le passionné. Io est l'une des quatre lunes galiléennes de la planète, la lune et son ombre sont aussi visibles sur la vidéo à droite. À 00h39 et quelques secondes, Jean-Paul Arnould aperçoit une vive lumière sur la surface de Jupiter qui l'intrigue "C'est quoi ce flash ?", il ajoute:  "Je n'ai pas tout de suite pris conscience de ce que c'était."

PAR JUPITER!

"J'ai d'abord cru que c'était un satellite artificiel qui était passé devant le télescope", explique Jean-Paul Arnould, qui continue alors son observation de la lune Io qu'il enregistre. Mais le lendemain midi, la publication de la détection d'un flash sur Jupiter par un Brésilien, José Louis Pereira, fait basculer son interprétation.

Le phénomène vu par Jean-Paul Arnoult est bien un impact sur la surface de la planète géante. Il reprend donc rapidement l'enregistrement de son observation et en extrait l'instant T. Il l'envoie à Marc Delcroix, autre amateur d'astronomie français qui pilote le programme DeTeCt, spécialiste de ces phénomènes qui l'authentifie et le répertorie.

Le monde de l'astronomie française s'anime alors. Un heureux hasard fait qu'une autre équipe de la SLA est en mission à l'observatoire d’Astroqueyras dans le sud des Alpes et a aussi enregistré l'impact. Les quatre membres, Thibaut Humbert, Stéphane Barré, Alexis Desmougin et Didier Walliang, équipés d'un télescope de 620 mm, ont capturé une magnifique vidéo de l'instant, sans le savoir.

"J'ai eu la chance de l'enregistrer et de la voir en même temps", s'extasie Jean-Paul Arnoult, "c'est rarissime". Surtout que contrairement à d'autres, cet impact n'était pas anticipé. En effet, la taille et la course des corps spatiaux permettent parfois d'en prédire la trajectoire, ici ce n'était pas le cas.

Pour la taille de celui qui s'est crashé, dont la nature n'est pas encore déterminée, "on fait une estimation d'un objet de 100 mètres de diamètre", explique Jean-Paul Arnoult. "S'il était tombé sur la Terre cela ferait déjà d'énormes dégâts", ajoute l'astronome lorrain.

D'IMPORTANTS ASTRONOMES AMATEURS

Prévenir et anticiper de futurs impacts sur la Terre est l'un des apports scientifiques réalisés par les observations des astronomes amateurs. Elles permettent une meilleure documentation, via des programmes tels que DeTeCt. Les données recueillies servent à évaluer les trajectoires et la masse des objets afin d'établir des modélisations.

Jupiter, plus grosse planète du système solaire, est un bon laboratoire d'observation. Avec une taille 11 fois supérieure à la Terre et une masse 318 fois plus importante, la géante gazeuse attire 100.000 fois plus d'objets. Un taux de "ramassage" qui rend les impacts fréquents, mais pas toujours faciles à voir. Avant celui du 13 septembre à 22h39 (TU), neuf autres ont été détectés, dont un seul en 1994 par des professionnels.

RTL

Instantanés de l'impact du 13 septembre 2021 22h39 TU réalisé par Jean-Paul Arnould à Villey-le-Sec / © JP Arnould - Société Lorraine d'Astronomie

"On pourrait s'étonner que des pros ne l'aient pas vu, mais ils sont occupés à d'autres observations", relativise Jean-Paul Arnoult. Il est vrai que l'espace est vaste, "il se passe plein de choses". Pour le passionné ce qui compte c'est l'émotion qu'un tel moment procure. "J'ai eu de la chance", commente modestement l'astronome qui se réjouit que son association ait autant participé à cette découverte.

"Avoir deux équipes de notre club qui ont observé et fait des images, c'est une belle cerise sur le gâteau", conclut-il. Riche de ce qui restera certainement l'un des moments les plus marquants de ses nuits passées le télescope dans les étoiles, un rêve de môme, Jean-Paul Arnoult se projette déjà dans ses futures observations.

Il conseille de braquer son regard sur "les Pléiades", un groupe d'étoiles bleues qui commencent à être visibles maintenant et pendant tout l'hiver. "Une bonne paire de jumelles permet déjà de les observer", encourage-t-il. Une occasion rêvée de s’échapper dans les étoiles.