Artisanale, artistique, locale. La revue-objet "Court Circuit" va au fond des choses. Son ambition est de "tracer un tableau contemporain de Metz, son bassin de vie, et de ses habitants". Rencontre avec Sylvain Villaume, son fondateur.

Après une longue aventure sportive au Républicain Lorrain, un passage à l'hebdomadaire La Semaine et quatre années au service de la Ville de Metz, Sylvain Villaume est revenu au journalisme indépendant fin 2018. Le confinement lui a permis de bien faire mijoter "Court Circuit" avant de le servir. Directeur et fondateur de la nouvelle revue, Sylvain Villaume raconte comment est né le trimestriel (le n°1 est dédié à la table) et ce qu'il a dans le ventre:

Quelle a été l'étincelle ?

"À force de pratiquer un journalisme qui ne me plaisait pas, je me suis dit que j'allais moi-même mettre en œuvre ce qui me plaît dans mes sources d'informations. C'est-à-dire le temps long, les beaux objets, des choses biens illustrées, bien écrites et puis surtout qui laissent le temps de comprendre, de découvrir, de susciter la curiosité.

Depuis l'avènement du numérique le papier classique a  perdu un peu de substance et de son sens même. Qu'on retrouve en général dans les revues trimestrielles du genre XXI ou La Revue dessinée par exemple. Mais l'équivalent en terme de proximité n'existe pas. Donc je propose du grand reportage local. Mais c'est une vieille idée qui a longtemps mûri".

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Pourquoi ce nom: "Court Circuit" ?

"Le projet a longtemps changé de nom et puis l'hiver 2019 je l'ai appelé Circuit Court. Est arrivé le confinement et tout le monde mettait le circuit court à toutes les sauces. De sorte que c'est rentré dans le langage commun, presque de manière excessive. J'ai même entendu un candidat aux municipales dire qu'il serait un maire en circuit court s'il était élu et là, je me suis dit qu'il fallait vraiment changer de nom! J'ai appelé mon directeur artistique et lui ai dit: on va inverser les mots, on va l'appeler Court Circuit".

Mais le projet a été retardé par le confinement...

"Comme je finance seul mon projet j'ai eu l'accord de prêt tout début mars 2020, juste avant le confinement... Ensuite plus vraiment de nouvelles du banquier qui avait d'autres problème à régler. Du coup j'ai eu l'accord définitif à l'automne. Et la banque était convaincue qu'une revue de fond et locale avait encore plus de sens après la crise sanitaire. Le projet a été lancé en mars 2021 finalement. Mais c'est intemporel".

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© Maurice FICK / RTL

Comment s'est passé le lancement ?

"Dans les librairies ça a été un accueil assez extraordinaire. Les libraires sont assez bluffés. En deux mois, 600 exemplaires ont été vendus dans les librairies indépendantes messines. Au-delà d'être des distributeurs de la revue, ils en sont des partenaires. Je vais les impliquer dans le comité éditorial quand on pourra à nouveau se réunir à dix... dans un bistrot.

Quelques buralistes qui vendent la presse se sont manifestés parce que les gens leur demandent. Petit à petit des gens se manifestent. Comme un magasin de producteurs fermiers de la ZAC d'Augny qui le vend très bien. Ou le fabricant de bière artisanale rue des Roches. Un bouche-à-oreille s'est mis en route chez les distributeurs comme chez les lecteurs. C'est assez impressionnant. Il y a beaucoup de ventes en ligne via le site interne de la revue: beaucoup de gens qui vivent loin de Metz mais qui en sont originaires sont intéressés par ce qui se passe dans leur ville. Mais je pensais qu'après le premier numéro il y aurait beaucoup plus d'abonnements. Une centaine juste".

La particularité de "Court Circuit" n'est-elle pas aussi sa dimension artistique ?

"Effectivement ça tient plus du livre illustré que du magazine. Les Anglais ont un terme pour ça: le mook, la contraction de magazine et de book. Mais en France on connaît moins. Les libraires me disent que lorsque les gens l'ont pris en main et parcouru, ils l'achètent.

Les récits sont tous sur une huitaine, une dizaine de pages, ponctués de formats plus courts, d'infographies, d'interviews plus courtes pour dynamiser l'ensemble et c'est essentiellement illustrés par des artistes, dessinateurs illustrateurs, pour la plupart issus de l'École supérieure d'Art de Lorraine à Metz. Tous les auteurs sont locaux, originaire du bassin de vie de Metz à assez peu d'exceptions près.

L'illustratrice messine Lucile Matter a fait la couverture et illustré le récit sur les restaurants qui auraient dû ouvrir pendant le confinement. Il y a aussi Loïc Lusnia à qui j'ai confié la couverture du numéro 2. Il y a aussi un reportage dessiné de Charlie Zanello. Parmi les illustrateurs on retrouve aussi Olivier Toussaint avec qui j'aime beaucoup travailler".

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Pourquoi avoir choisi comme premier sujet la table ?

"On a fait que ça pendant un an. On a soit travaillé ou été au chômage pour certain, mais il n'y avait plus que ça. Il n'y avait plus de culture, plus de sport, plus de loisirs, plus rien. La seule récréation c'était cuisiner, manger, se procurer ses produits. Le thème je l'avais choisi avant mais il s'est intensifié avec le confinement. C'est une galerie de portraits, d'histoires sur des artisans, des commerçants des producteurs, des cuisiniers".

Parlez-nous du numéro 2...

"Il sortira le 18 juin, premier jour du Livre à Metz. Il portera sur "le goût des autres" c'est-à-dire la solidarité, l'engagement, l'entraide, la fraternité, le dévouement aux autres. Evidemment la crise a des conséquences sur la vie des gens qu'on raconte.

Il sera question du traitement réservé aux SDF dans la Ville, un récit poignant d'une auteure qui partage sa vie avec un travailleur social et qui raconte son point de vue, un dialogue entre des femmes victimes de violence conjugale et qui racontent comment elles s'en sont sorties, etc. Suivront ensuite d'autres sujets comme notre rapport au Luxembourg, j'allais même dire notre dépendance. Ce sera un numéro franco-luxembourgeois. On parlera aussi de sport, du travail, de santé".