
© Marine Schneider / Archives RTL
Dans un long rapport publié ce mois d'avril, la métropole de Metz détaille sa volonté de se démarquer comme territoire central des frontaliers. Mais leur coeur est loin d'être gagné.
Comment s'adapter au phénomène frontalier? Ce n'est pas le dernier sujet du bac de philosophie mais le casse-tête des communes lorraines proches du Luxembourg. Face à une population plus riche, elles doivent, en contrepartie, proposer davantage de services. Transports, écoles, commerces... "L'impact frontalier sur notre métropole est diffus" écrit Metz dans un rapport du Conseil de développement durable, publié la semaine dernière.
Selon les dernières estimations réalisées par la métropole, environ 9.000 personnes installées dans les environs de Metz travaillaient au Grand-Duché en 2020 (sur plus de 100.000 frontaliers français en tout). Soit environ 70% de plus qu'en 2009. Et elle pourrait en accueillir 30.000 si le développement du Luxembourg suit les projections déjà réalisées.
Pour la métropole messine, c'est le moment de se repositionner comme LE territoire des frontaliers. Un secteur "à taille humaine" aujourd'hui au second plan, derrière Thionville et le reste du nord lorrain.
Selon Metz, pas de dépendance vis-à-vis du Grand-Duché, mais une interdépendance des côtés luxembourgeois et français. Tant sur le plan économique et démographique, que social ou environnemental. "La crise sanitaire en a éclairé l'évidence, de façon tangible, par le "test grandeur nature" de la fermeture des frontières. C'est le Luxembourg qui a ainsi été mis brutalement face à sa fragilité", notamment sur le plan sanitaire, estime le Codev. Avec ses 44 communes, Metz veut s'affirmer comme "la métropole française d’équilibre dans la zone d’influence du Luxembourg".
Car le rapport entre le nord lorrain et le Luxembourg est aujourd'hui très déséquilibré ! Metz Métropole souhaite donc renforcer le territoire pour contrebalancer le développement luxembourgeois. D'un côté, elle estime que le Grand-Duché est "condamné" à attirer toujours plus de travailleurs frontaliers pour soutenir son économie. De l'autre, elle constate les fragilités françaises: les employeurs ont "beaucoup de mal à recruter" quand les salaires et les conditions de travail sont bien plus avantageuses de l'autre côté de la frontière. Il n'y a qu'à regarder le secteur français de la santé pour s'en convaincre.
QUE PROPOSE METZ METROPOLE?
Alors qu'elle dénonce le suivi plus poussé par la région des frontaliers franco-allemands, la métropole tente de recentrer la problématique sur son territoire et d'étirer l'aire frontalière luxembourgeoise jusqu'à elle. Avec, en ligne de mire, un rattrapage sur la métropole de Thionville, naturellement plus frontalière car plus proche du Luxembourg et des frontaliers: "Le CODEV ose dire que le débat transfrontalier a été trop longtemps circonscrit à la problématique des seuls territoires de la frange frontalière du Luxembourg et de l'aire urbaine de Thionville."

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Metz affiche ouvertement son objectif: devenir "la porte française de l’emploi frontalier au Luxembourg". Mais aussi de contribuer au développement de formations communes avec le Grand-Duché pour anticiper les besoins des entreprises. En se reposant sur ses atouts éducatifs notamment (université de Lorraine, Institut d'Administration de l'Entreprise...). "La pandémie Covid-19 a notamment montré les besoins en formation sanitaire", mais Metz Métropole évoque aussi le besoin de renforcer l'apprentissage de l'allemand. Langue qui servirait ensuite de tremplin vers le luxembourgeois.
La question de la mobilité est évidemment centrale. Dans une enquête réalisée auprès des frontaliers, Metz a confirmé que "le transport par voie ferrée ou par automobile était devenu "un cauchemar"" qui s'amplifie. "Il ne doit pas devenir un frein à la volonté d’aller travailler de l’autre côté de la frontière… ou une incitation à chercher à se loger plus près du lieu de travail."
Elle déplore surtout que les projets en cours soient menés à un rythme encore trop lent à son goût. "Le défi des mobilités transfrontalières ne peut attendre des solutions à 10 ans…" prévient-elle. Metz Métropole évoque notamment l'élargissement de l'A31, le renforcement de la ligne ferroviaire Nancy-Metz-Luxembourg, mais fait aussi des propositions plus ambitieuses, comme une possible extension du tram rapide luxembourgeois vers la Fensch.
Avec le basculement à droite de Metz lors des dernières élections municipales, un changement de ton s'est également opéré sur le thème ô combien évoqué de la rétrocession fiscale. Exit Dominique Gros, qui réclamait un retour de liquidités, place à François Grosdidier, maire de Metz et président de Metz Métropole. Avec lui, l'heure est au codéveloppement, notion très appréciée côté luxembourgeois. La mobilité et l'éducation peuvent notamment en profiter selon lui. Mais aussi la culture, alors que sa métropole constate que le Luxembourg veut faire des résidents frontaliers ses consommateurs de loisirs le week-end. Pour ça, la métropole reconnaît qu'il est incontournable de raviver le centre-ville de Metz, progressivement délaissé par une partie de ses commerces.
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Reste finalement les frontaliers, qui attendent un soutien irréprochable de la part de l'Etat français. Metz semble l'avoir compris et répète le besoin de rapprocher ses services publics et d'en adapter les horaires pour mieux coller au rythme de vie des travailleurs du Luxembourg. Et de créer une "métropole de la demi-heure", une promesse alléchante pour des frontaliers habitués aux longs déplacements.
Le défi de Metz Métropole est pourtant loin d'être gagné: à mi-chemin entre Nancy et le Luxembourg, voilà qu'elle doit combattre sur deux fronts. Tout en se codéveloppant avec le Grand-Duché - sans bénéficier de pouvoirs décisionnels identiques - elle souhaite rester à "taille humaine", former et conserver ses résidents alors que le Luxembourg, plus rémunérateur, va naturellement les attirer. En somme, elle a du pain sur la planche.